Bienvenue en Absurdie !
L’absurde, qu’est-ce donc ? Est-ce une aberration, une anomalie ? Ou est-ce, au contraire, une révélation ?
Un jour, enfant, je fixais la flamme vacillante d’une bougie. C’était une fête où rires et chants remplissaient la pièce. Mon regard restait figé sur cette danseuse lumineuse, poétique, envoûtante. Je me souviens avoir pensé que cette flamme ne tenait pas debout. Elle bougeait, changeait de forme, pourtant, elle semblait immuable. Comment une chose si éphémère pouvait-elle exister avec tant de constance ?
Maintenant, à l’âge que j’ai, je dirai à cet enfant que j’étais : « Peut-être que le réel n’était pas aussi évident qu’il en avait l’air. Peut-être que, sous son apparente stabilité, quelque chose d’insaisissable s’agitait, quelque chose qui ne cherchait pas à être compris ». Étant enfant, je n’aurai pas compris ces phrases et, en même temps, ceci aurait provoqué une « faille », une ouverture.
Eh bien, cette faille, cette ouverture, en fait, je ne l’ai jamais refermée. Au contraire, elle s’est élargie avec le temps. Chaque fois que je m’arrête pour contempler, je ressens ce flottement. Comme si la réalité me disait : « Tu me vois, mais tu ne me comprends pas, tu ne me saisis pas ».
J’ai souvent cherché, comme beaucoup de personnes, des explications. Pourquoi ceci, pourquoi cela ? Je vis dans un monde qui adore les réponses, un monde où l’ignorance est perçue comme un échec. Mais plus j’apprenais, plus je découvrais que les réponses ne comblaient jamais vraiment le vide. Elles construisaient des ponts, certes, mais ces ponts ne menaient qu’à d’autres questions.
Il y a une scène que j’aime évoquer : « Un homme seul, debout sur une plage déserte, regarde l’océan. Pourquoi regarde-t-il ? Que cherche-t-il ? ». Peut-être une signification, peut-être rien. Et si rien ne vient ? L’homme reste là, suspendu dans un instant où l’absence de sens est, paradoxalement, pleine de vérité. Ce moment ne contient rien d’extraordinaire, et, pourtant, il est essentiel. Il est dit que l’absurde naît de ce regard posé sur le vide et, de cette volonté, de le remplir malgré tout.
J’ai expérimenté mille façons d’échapper à l’absurde par l’action, la contemplation, la création. Mais chacune de ces voies me ramenait, en fin de compte, à la même impasse. L’action me donnait un but mais ce but s’évanouissait une fois atteint. La contemplation me nourrissait mais je ne pouvais contempler éternellement sans me perdre. La création me donnait un sentiment d’immortalité mais elle portait aussi la trace de ma finitude.
C’est dans cet aller-retour, entre l’effort pour donner un sens et l’échec inévitable de cet effort, que j’ai compris quelque chose de fondamental : « Ce n’est pas l’absurde qui est un problème mais mon refus de l’accepter ». Ce qui me déstabilise, ce n’est pas que le monde soit dépourvu de sens ultime mais que j’insiste à tout prix pour lui en trouver un.
Une fois, lors d’une promenade, en forêt, je me suis arrêté devant un arbre gigantesque. Ses racines sortaient du sol comme des tentacules noueuses, son tronc portait les cicatrices du temps et ses branches s’étiraient vers le ciel avec une majesté indifférente. En l’observant, une pensée étrange m’a traversé : « Cet arbre n’a pas besoin de savoir pourquoi il existe. Il est là, simplement, totalement, intégralement ».
Cette simplicité m’a frappé comme une évidence que j’avais toujours ignorée. Peut-être que, comme cet arbre, je n’avais pas besoin de comprendre. Peut-être que mon rôle n’était pas de maîtriser la vie, simplement de la vivre. Et dans cet instant suspendu où l’arbre et moi semblions partager une même vérité, j’ai ressenti un profond apaisement.
Si la vie refuse de se plier à mes attentes, pourquoi ne pas en rire ? J’ai découvert, au fil du temps, que l’humour est une arme précieuse contre le désarroi. Rire, ce n’est pas fuir, c’est transformer. C’est regarder l’absurde en face et choisir de l’embrasser plutôt que de le combattre. C’est une forme de sagesse qui dit : « Je vois ton jeu et je joue avec toi ». Judicaël disait : « La Vie est un Jeu … sans Enjeux ».
Je ris souvent en pensant à ma propre condition. Je suis un amas de molécules, d’atomes, de particules doué de conscience, qui se demande pourquoi il est ici. Cette absurdité, au lieu de m’accabler, me soulève. Elle me rappelle que la gravité des choses est souvent un fourvoiement que je me suis imposé. En réalité, tout est plus léger que je ne l’imagine.
Je vois la beauté différemment maintenant. Ce n’est plus la perfection qui m’éblouit mais l’éphémère. Une fleur qui se fane, une étoile filante, un sourire qui s’efface, deux mains qui se quittent. Tout ceci m’enseigne que la fragilité est une force. Ce qui est beau, ce n’est pas que quelque chose dure, mais que cet élément ait existé, même brièvement.
La beauté de l’absurde, c’est qu’elle n’exige rien. Elle ne demande pas de justification, pas d’explication. Elle est, tout simplement. Et si je m’autorise à la voir, je découvre que tout, absolument tout, peut être source d’émerveillement.
Alors, que reste-t-il ? Une question demeure : « Dois-je lutter contre l’absurde ou l’accueillir ? ». Pendant longtemps, j’ai choisi la lutte. Je voulais plier le monde à mes attentes, faire taire cette voix intérieure qui murmurait que rien n’avait de sens. Mais aujourd’hui, je sais que l’acceptation n’est pas une défaite. C’est, au contraire, un acte de courage. Accepter l’absurde, c’est embrasser la vie dans toute sa complexité, ses contradictions, ses mystères.
Et c’est là que réside la clé : « L’absurde, ça part de la réalité, c’est une manière différente de voir les choses ». En changeant mon regard, je ne rends pas le monde moins absurde, je m’en fais l’allié. Et dans cette alliance, je trouve une liberté nouvelle, un sens à ma propre façon.
(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20241124-2))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Klaus Schulze – 2017 – Ultimate Docking)
P.S. : Je n’ai mis aucun renvoi vers des textes précédents. Maintenant, je vous propose de relire le texte en remplaçant « Absurde » par « Illusion » (et ses dérivés).

Laisser un commentaire