De mon Invitation au Lâcher-Prise

Je me suis longtemps, très longtemps, trop longtemps battu contre le monde, contre ce monde, contre mon monde comme si je pouvais le modeler à ma guise. Chaque jour, je croyais devoir affronter un adversaire invisible, une force hostile qui cherchait à contrarier mes plans, mes rêves, mes besoins, mes désirs. Je voulais tout prévoir, tout contrôler comme si mon bonheur dépendait d’un ordre parfait que je m’efforçais d’imposer à l’Univers. Avec le temps, cette quête de maîtrise m’a épuisé. À force de vouloir contrôler tout ce qui m’entourait, j’ai senti mon énergie s’amenuiser, ma paix disparaître, ma sérénité s’éloigner comme un mirage dans le désert.

C’est alors qu’une lumière intérieure a jailli en moi. Ce n’était pas le monde qui devait changer. C’était mon regard sur lui. Cette réalisation m’a frappé comme un éclair, elle portait un nom, le lâcher-prise. C’est facile pour moi d’en parler car j’ai, maintenant, un autre regard sur le monde, sur moi. Il y a des évidences qui apparaissent à postériori. Je sais que tant qu’une expérience n’est pas vécue, elle reste, comment dire, à l’état de chrysalide.

Il m’a fallu du temps pour admettre que mon besoin de tout maîtriser n’était qu’une illusion, un piège de l’esprit, un masque de mon ego. J’ai cru, naïvement, que si je planifiais chaque détail, si je m’assurais que tout et tous suivaient mes attentes, je pourrais éviter la souffrance. En vérité, ce contrôle apparent n’était qu’un fardeau.

Je me souviens d’un jour où, alors que tout semblait s’écrouler autour de moi, je suis allé dans une librairie. J’ai été dans un rayon dont j’ai oublié le nom, peut-être philosophie ou ésotérisme, j’ai pris un livre « au hasard » et je l’ai ouvert à une page comme guidé. Sur la page, il y avait ces mots de Marc Aurèle : « Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre ». Ces mots ont résonné en moi comme un écho ancien, une vérité oubliée. Je réalisais que je m’étais égaré dans la lutte contre ce qui échappait à mon pouvoir et que cette lutte était vaine.

Cependant, à l’écriture du présent texte, j’ai cherché réellement si cette citation de Marc-Aurèle se trouvait dans le livre « Pensées pour moi-même ». J’ai ainsi trouvé une traduction réalisée par Mario Meunier dans les années 1930. Dans cette traduction, il n’y a aucune référence à cette citation que ce soit d’une façon ou d’autre. J’ai donc continué mes investigations.

Et la révélation, si je peux m’exprimer ainsi, s’est faite. Cette citation, faussement attribuée à Marc-Aurèle, provient d’une prière. Cette prière est « La Prière de Sérénité » rédigée par le théologien américain Reinhold Niebuhr 1️⃣ en 1930. En anglais, cette prière se dit : « God, give us grace to accept with serenity the things that cannot be changed, courage to change the things which should be changed, and the Wisdom to distinguish the one from the other ». La traduction, en français, est : « Dieu, donne-nous la grâce d’accepter avec sérénité les choses qui ne peuvent pas être changées, le courage de changer celles qui devraient l’être, et la sagesse de distinguer les unes des autres ».  Et c’est généralement sous cette forme que cette citation est faussement attribuée à Marc-Aurèle. Probablement, que cette référence est plus « porteuse » que le nom de Reinhold Niebuhr qui n’est pas ou peu connu.

Dans le livre « Pensées pour moi-même », la phrase qui s’en rapproche le plus est dans le « Livre II – Paragraphe XI ». Il y est dit en réponse à une question : « Or, la mort et la vie, la gloire et l’obscurité, la douleur et le plaisir, la richesse et la pauvreté, toutes ces choses échoient également aux bons et aux méchants, sans être par elles-mêmes ni belles ni laides. Elles ne sont donc ni des biens ni des maux ».

Dans ce passage, Marc-Aurèle souligne, à mon sens, que des expériences telles que la mort, la vie, la gloire, l’obscurité, la douleur, le plaisir, la richesse, la pauvreté sont impartiales et surviennent aussi bien aux personnes vertueuses (« bons ») qu’aux personnes malveillantes (« méchants »). Il les considère comme des « indifférents », c’est-à-dire des circonstances externes qui ne sont ni bonnes ni mauvaises, ni belles ni laides, ni en elles-mêmes. Leur « valeur » dépend de la manière dont je les perçois et de comment j’y réagis. Ainsi la « vertu » réside dans l’attitude intérieure plutôt que dans les événements extérieurs.

Et justement dans cette attitude intérieure, j’ai alors commencé à observer mes pensées, à les écouter avec une attention nouvelle. Chaque contrariété, chaque frustration que je ressentais prenait racine dans mes attentes envers les autres, envers les événements. Je voulais que les gens se comportent d’une certaine manière, que les situations évoluent selon mes besoins, selon mes désirs. J’ai appris que la Vie, ma Vie a son propre mouvement. Elle ne se plie pas à mes caprices.

En méditant sur ceci, j’ai découvert une forme de liberté. Je n’ai plus essayé de changer le vent. J’ai appris à ajuster mes voiles. J’ai compris que la perception est un prisme et qu’il suffit parfois de tourner légèrement ce prisme pour que la Lumière du monde, de mon monde se transforme.

Ce lâcher-prise n’est ni une abdication ni une fuite. C’est comme un art subtil, une discipline de l’Esprit et du Cœur. Chaque jour, je m’efforce de me rappeler que je ne contrôle que deux choses, mes actions et ma manière de voir les choses. Tout le reste « m’échappe » et c’est bien ainsi.

Il y a eu des moments où ma « pratique » a été mise à l’épreuve. Lorsque j’ai perdu des êtres chers, lorsque des rencontres se sont envolées, le chagrin m’a envahi. J’ai appris à l’accueillir plutôt qu’à le repousser même si ce n’est pas toujours facile. J’ai réalisé que la douleur fait partie de la vie et, qu’en lui résistant, je ne faisais que la prolonger. Ce n’est qu’en l’acceptant, en la laissant m’enseigner que j’ai pu avancer.

Dans la Deuxième Noble Vérité de Bouddha, il est dit « L’origine de la souffrance est l’attachement. La deuxième noble vérité nous apprend que la racine de toute souffrance est, non pas nécessairement le désir en tant que tel, mais l’attachement au désir. Pour éviter la souffrance, nous avons besoin de comprendre ce qui cause la souffrance ». J’ai appris qu’en m’attachant à mes attentes, à mes idées préconçues, je me condamnais à souffrir. En relâchant cet attachement, j’ai trouvé la Paix.

Ceci m’a appris, aussi, que « l’essentiel » n’est pas le résultat de mes actions, c’est l’intention 3️⃣ avec laquelle je les accomplis. En me détachant du fruit de mes efforts, j’ai découvert une Joie plus pure celle de simplement être dans le moment présent.

Ceci ne signifie pas que je me dérobe à mes responsabilités. Loin de là. Le lâcher-prise ne m’a pas rendu passif, il m’a, au contraire, rendu plus présent, plus conscient. J’ai gagné en clarté et en force intérieure.

Je ne suis plus obsédé par l’idée de contrôler les autres, les évènements car j’ai compris que chacun suit son propre chemin. J’ai appris à écouter sans vouloir convaincre, à aimer sans vouloir posséder, à accompagner sans vouloir diriger.

En acceptant l’incertitude, j’ai découvert une forme de sérénité que je n’aurais jamais cru possible. Il y a une légèreté dans le fait de ne plus lutter contre le courant de la Vie. Ceci ne veut pas dire que tout est facile. Il y a encore des tempêtes, des jours où le doute m’envahit. Cependant, je sais que je peux choisir ma manière de répondre à ces défis.

Le lâcher-prise m’a appris que la Paix ne vient pas de l’absence de difficultés, elle vient de la manière dont je les aborde. C’est une source intarissable de force, une boussole intérieure qui me guide à travers les hauts et les bas.

Je ne prétends pas avoir atteint un état de « perfection ». Lâcher prise est un cheminement, une pratique qui se renouvelle chaque jour. Parfois, je retombe dans mes vieux schémas, alors je m’efforce alors de me pardonner, de me rappeler que la transformation est un processus et non une destination.

Peut-être est-ce ceci, au fond, la plus grande leçon du lâcher-prise : « C’est un acte d’amour envers soi-même, un abandon des luttes inutiles pour embrasser la Vie, ma Vie telle qu’elle est ».

(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20250105-1))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Alien Dishwasher – 2024 – Curtain of Time)

1️⃣ :  Karl Paul Reinhold Niebuhr est un théologien américain protestant connu pour ses études sur les relations entre la foi chrétienne et la réalité de la politique moderne et de la diplomatie. Il est l’un des théologiens américains majeurs du XXᵉ siècle (merci Wikipedia) ;

2️⃣ :  La « Prière de Sérénité » est utilisée et a été rendue célèbre par les Alcooliques anonymes dans leur Big Book paru en 1939, au même titre que la Prière de saint François, d’où parfois son attribution erronée à ce saint (merci Wikipedia) ;

3️⃣ :  voir le texte « L’Intention Secrète » ;

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