La Spirale des Illusions

Je pars du principe que tout le monde a déjà entendu ou lu cette citation attribuée à Albert Einstein : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». Dans le texte « La Nuit Noire de l’ego », publié récemment, je faisais référence à des citations qui étaient « attribuées » à certaines personnes alors qu’il n’existe aucune preuve qu’elles leur appartiennent.

Il y a, un plus d’un an, j’avais déjà écrit un texte sur la citation attribuée à Albert Einstein. J’invite à le (re)lire au besoin car le présent texte va, comment dire, prendre un autre chemin.

Est-ce vraiment « insensé » de faire toujours la même chose et d’espérer des résultats différents ? J’image que je suis un pêcheur. Je lance systématiquement mon fil de pêche pour espérer attraper un beau poisson. Si je n’ai rien, je recommence encore et encore. En même temps, est-ce que je fais toujours les mêmes gestes ? Suis-je à chaque instant dans les mêmes conditions physiques, mentales, émotionnelles, environnementales, météorologiques même si je reste au même endroit ?

La réponse, pour moi, elle est simple car, entre deux lancers, le monde a changé La réponse est : « Non ». Le monde change à chaque instant. J’ai changé, un changement subtil, certes, et, en même temps, un changement quand même. Rien, absolument rien, n’est jamais identique.

Comment pourrais-je faire « toujours la même chose » dans un univers où rien ne demeure, où rien n’est permanent ? L’eau qui coule aujourd’hui sous un pont n’est pas celle d’hier et ne sera pas celle de demain. Le pont lui-même, rongé imperceptiblement par le temps, n’est plus tout à fait le même non plus. Chaque répétition que je crois identique est, en réalité, un fragment unique dans une multitude infinie de transformations.

Quand je regarde ma vie, il est tentant de me dire que mes gestes se répètent. Je me lève, je me lave, je mange, je travaille, je me couche. Est-ce vraiment ceci ? Si un observateur me regardait, il trouverait dans mes actions, les plus anodines soient-elles, que quelque chose diffère toujours.

La façon dont je me lève, je me lave, je mange, je travaille, je me couche diffère systématiquement. Si je tiens compte des éléments « extérieurs », ceci apporte d’autres variations. La lumière qui filtre à travers la fenêtre le matin n’est pas la même que celle d’hier. L’eau dans la salle de bain n’a pas toujours la même température. Le café que je prépare n’a pas toujours les mêmes saveurs subtiles. Le pain que je manque n’est pas toujours le même que ce soit en termes de forme, de goût, d’odeur. Le travail n’est pas répétitif comme dans le film « Les Temps Modernes » de Charlie Chaplin

Ainsi mon humeur, ma fatigue, mes pensées, en fait, tout ce qui fait qui je suis, tout a déjà changé. Héraclite d’Éphèse, que j’ai déjà cité dans d’autres textes, l’avait compris : « Nul Homme ne se baigne deux fois dans le même fleuve car, la seconde fois, ce n’est plus ni la même eau ni le même homme ». Ainsi, si rien ne peut jamais être exactement pareil, comment pourrais-je répéter quoi que ce soit ?

Je me rends compte que, même dans l’illusion d’un cycle immuable, tout évolue. Les cellules de mon corps meurent et se régénèrent sans cesse. Chaque battement de mon cœur est un instant nouveau. Je ne suis pas, à cet instant, la personne que j’étais hier. Mes expériences s’accumulent, mes perspectives changent.

Et le monde autour de moi ? Lui aussi est en perpétuelle métamorphose. Les nuages dans le ciel se déplacent, les saisons s’enchaînent, les visages que je croise vieillissent. Rien ne reste figé. Même l’air que je respire est chargé de particules qui n’existaient pas dans cette configuration avant ce moment précis.

Lorsque je crois répéter une action, ce n’est jamais une répétition exacte. Si je prends un chemin familier, mon regard capte des détails nouveaux. Une feuille tombée au sol, une fissure sur un mur, un oiseau posé sur une branche. Chaque promenade devient une expérience inédite.

Même mes pensées évoluent. Je peux revenir à une idée, à un souvenir, à un événement, à une expérience, ce retour est déjà transformé par le prisme de mon état d’esprit du moment, de mon niveau de conscience. Ce que je crois être le « même » est, en réalité, un « autre », réinterprété par l’incessant mouvement de ma conscience.

La citation attribuée à Albert Einstein repose sur l’idée qu’il est possible de faire « toujours la même chose ». Cette possibilité est une illusion. Aucune immobilité absolue n’existe ni dans mes actions, ni dans l’univers.

Lorsque je crois m’enfermer dans une habitude, je participe malgré moi à un processus de changement. Chaque tentative, même maladroite, contribue à mon apprentissage. Je ne peux jamais répéter exactement les mêmes gestes car mes mains, mon esprit, mon environnement ont déjà changé.

Peut-être est-ce ceci la clé. Accepter que le changement soit constant, qu’il ne suit pas toujours une ligne droite. Ce n’est pas en répétant exactement les mêmes actions que j’obtiens un résultat différent, simplement parce que, même dans l’apparente répétition, je change.

Je prends un exemple. Lorsque j’apprends à jouer d’un instrument, je répète les mêmes notes encore et encore. Pourtant, chaque tentative est subtilement différente. Mes doigts gagnent en précision, mon souffle se synchronise, mon oreille s’affine, mon Corps s’adapte. Ce que je croyais être une répétition est, en vérité, une progression.

De même, dans la vie, chaque « échec » n’est pas une stagnation. C’est un tremplin vers une meilleure acceptation, une totale acceptation.

Je réalise alors que le véritable danger ne réside pas dans la répétition. Ce danger est dans l’absence de discernement, dans l’aveuglement. Si je m’illusionne en croyant que le monde est figé, que je suis figé.e, je passe à côté de l’extraordinaire richesse de chaque instant.

La folie, pour autant qu’elle existe, serait de nier l’impermanence. Elle serait de croire que le monde peut rester identique, alors même qu’il évolue, se transforme sans cesse que ce soit en moi, autour de moi. Si je m’ouvre à cette réalité, je vois que chaque action, chaque pensée est une invitation à participer à ce grand mouvement.

Plutôt que de me battre contre l’idée d’un cycle immuable, je choisis de voir la Vie, ma Vie comme un fleuve. Chaque instant est une goutte d’eau unique, chaque geste une contribution à ce courant infini. Si je fais ce que je crois être la même chose, ce n’est jamais dans le même contexte, avec les mêmes outils, avec la même acceptation.

Je ne peux jamais vraiment refaire. Tout ce que je fais est déjà nouveau.

Et toi, qui lis ces mots, vois-tu cette nouveauté autour de toi ?

(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20250104-1))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Jupiter’s Eye – 2025 – Again)

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