La Nuit Obscure
Dans le texte publié tout récemment, à savoir « La Nuit Noire de l’ego », je faisais référence à un poème de Saint-Jean de la Croix intitulé « Nuit obscure ou Chansons de l’Âme ». Dans ce texte, j’avais précisé que le titre de ce poème avait donné naissance au concept de « La Nuit Noire de l’Âme ». Concept que je réfute par rapport à sa référence à l’Âme au lieu de l’ego.
Je sais que, dans chaque expérience humaine, en ce y compris la mienne, il existe des moments de transition si mystérieux, si impénétrables qu’ils échappent aux mots aussi bien les plus simples que les plus raffinés. C’est dans cet espace de mots, que l’on dit raffinés, que s’inscrit « Nuit obscure ou Chansons de l’Âme » de Saint-Jean de la Croix. En lisant ces vers, je me suis senti appelé à traverser, avec lui, cette « Nuit Spirituelle », non pas comme une simple obscurité, simplement comme une invitation à un dépouillement profond (référence au vide dans le texte précité) et une Union Mystique, une Union Divine.
Dans le poème, il y a huit quintils. Le quintil est une strophe formée de cinq vers. Pour chaque quintil, j’ai choisi de donner un titre. Peut-être que chaque titre va influencer, orienter la lecture en fonction du niveau de Conscience dans lequel chaque lectrice, chaque lecteur se trouve au moment de la découverte de ce texte. Pourtant, cette « analyse » ne reste que mon expérience personnelle partagée dans le collectif humain.
Quintil n°1 : Le Départ dans l’Obscurité
« Dans une nuit obscure / D’une fièvre d’amour tout embrasée, / O joyeuse aventure, / Dehors me suis glissée / Quand ma maison fut enfin apaisée ».
Le poème s’ouvre sur une scène de « tension », une nuit obscure et une fièvre d’amour. Ces deux images, apparemment opposées, coexistent harmonieusement. Cette obscurité ne symbolise pas un vide, une absence, simplement un contexte propice à la transformation. Elle est un voile protecteur cachant le départ silencieux de l’Âme vers l’inconnu.
La « maison apaisée » m’évoque un état intérieur de calme où les distractions du mental, les désirs tumultueux se sont enfin apaisés. Un moment de silence intérieur est nécessaire pour entreprendre un voyage. Ce départ, bien que marqué par l’obscurité, est porteur de Joie car il est motivé par un élan d’amour qui transcende les limites de l’individuel.
Quintil n°2 : La Sûreté de l’Obscur
« Dans l’obscur et très sûre, / Par la secrète échelle déguisée, / O joyeuse aventure, / Dans l’obscur et cachée / Quand ma maison fut enfin apaisée ».
Ce deuxième quintil approfondit le paradoxe de la sûreté dans l’obscurité. Le chemin emprunté, décrit comme une « échelle déguisée », souligne la nature secrète, intime de cette ascension spirituelle. Cette échelle pourrait être interprétée comme la Foi permettant de progresser même sans voir clairement.
Je vois ici une assurance intérieure, non fondée sur des preuves extérieures, uniquement sur une intuition profonde. Cette certitude dans l’obscurité reflète l’idée que l’Âme, guidée par l’Amour Divin, peut avancer sans peur car elle sent une main invisible qui la soutient.
Quintil n°3 : La Lumière du Cœur
« Dans cette nuit de joie, / Secrètement, car nul ne me voyait / Ni mes yeux rien qui soit, / Sans lumière j’allais / Autre que celle en mon cœur qui brûlait ».
Dans ce passage, la lumière extérieure cède totalement sa place à une Lumière intérieure, celle qui brûle, qui s’illumine dans le Cœur. Cette Lumière n’est pas une simple métaphore, c’est une réalité spirituelle qu’est l’Amour Divin. Elle n’éclaire pas les objets extérieurs. Elle éclaire le Chemin intérieur de l’Âme.
J’accepte ici que cette Lumière soit plus fiable que n’importe quelle source extérieure. Elle guide avec une clarté supérieure car elle n’est pas soumise aux fluctuations du monde matériel. C’est une Lumière qui transcende les sens, une certitude silencieuse qui pousse l’Âme à continuer son voyage.
Quintil n°4 : L’Union Mystique
« Et elle me guidait, / Plus sûre que la lumière à midi, / Au lieu où m’attendait / Moi je savais bien qui / En un pays où nul ne paraissait ».
Ce quintil est une montée vers le point culminant du poème représentant l’Union Mystique. La Lumière du Cœur guide l’Âme vers un lieu inconnu et, pourtant, attendu, un espace où tout est dissimulé sauf l’essentiel. Cette destination, « où nul ne paraissait », est un lieu d’effacement total des illusions, des séparations.
Je ressens ici une anticipation intense que l’Âme sait qu’elle est sur le point de rencontrer l’Infini. Ce lieu n’est pas un endroit physique. C’est un État d’Être où toute distinction entre l’Âme et le Divin s’efface.
Quintil n°5 : La Nuit de l’Union
« O nuit qui as conduit, / Nuit plus aimable que l’aube levée, / O nuit qui as uni / L’ami avec l’aimée / L’aimée en l’ami même transformée ».
La nuit obscure devient, dans ce quintil, une figure bienveillante presque maternelle. Elle est « plus aimable que l’aube levée » car elle accomplit ce que la lumière du jour ne peut accomplit en tant qu’Union Mystique. Cette union est une dissolution de l’ego où l’Âme cesse d’être séparée pour devenir une avec le Divin.
Je vois dans cette transformation une idée profonde. La véritable Union Spirituelle n’est pas une simple proximité, c’est une fusion où l’Âme est entièrement absorbée dans la Divinité sans s’y perdre. Cette nuit, loin d’être une épreuve, est un don, un moment où le Fini s’abandonne à l’Infini.
Quintil n°6 : L’Oubli de Soi ou la Félicité de l’Union
« Contre mon sein fleuri / Qui tout entier pour lui seul se gardait, / Il resta endormi, / Moi je le caressais, / De l’éventail des cèdres l’air venait ».
Dans ce passage, l’Union Mystique atteint son expression la plus intime. Le « sein fleuri » symbolise une ouverture totale, une offrande de l’Âme dans toute sa plénitude. L’image de l’ami endormi reflète une paix parfaite, un repos où il n’y a plus de quête, simplement une satisfaction complète.
Je suis touché par la douceur de cette scène, qui décrit une extase tranquille, sans éclat ni agitation. Tout devient serein comme si l’Univers lui-même participait à cet état de félicité. L’air qui vient des cèdres évoque une bénédiction, une caresse de la Nature accompagnant cette Union Sacrée.
7e Quintil : La Révélation des Sens
« Du haut du créneau l’air, / Quand sous mes doigts ses cheveux s’écartaient, / Avec sa main légère / Sur mon cou me blessait / Et chacun de mes sens me ravissait ».
Ce septième quintil introduit une dimension aussi bien sensuelle que sublimée. Les sens, souvent considérés comme des obstacles sur le chemin spirituel, sont ici purifiés, transformés. La « blessure » infligée par la main légère de l’ami est une blessure d’amour, un rappel que cette union, bien qu’extatique, implique un abandon total.
Je perçois dans cette scène une intensité où les sens deviennent des canaux pour l’Expérience Divine. Ils ne sont plus attachés au monde matériel, ils sont réorientés vers une réalité supérieure. Cet éveil des sens purifiés est une preuve que l’Union Mystique englobe tout l’Être, Corps et Âme.
8e Quintil : L’Oubli et la Plénitude
« En paix je m’oubliai, / J’inclinai le visage sur l’ami, / Tout cessa, je cédai, / Délaissant mon souci / Entre les fleurs de lys parmi l’oubli ».
Le poème se conclut sur un acte d’abandon total. L’oubli de soi n’est pas une perte, c’est une transcendance. En s’oubliant, l’Âme cesse de s’attacher à ses propres limites pour s’immerger dans l’Infini. Les « fleurs de lys », symbole de pureté, deviennent le lieu de cet oubli béatifique.
Je vois, dans cette fin, une plénitude parfaite où l’Âme trouve son repos dans l’Union Divine. Il n’y a plus de mouvement, plus de désir, plus de besoin, plus d’attachement, plus de manque, plus de séparations. Tout est accompli dans une paix qui dépasse l’entendement.
Une Nuit Transformante ou la Nuit comme chemin
En parcourant ces huit quintils, je comprends que « Nuit obscure ou Chansons de l’Âme » n’est pas seulement une œuvre mystique, c’est une carte spirituelle universelle. Elle décrit un voyage intérieur où l’Âme, guidée par l’Amour Divin, traverse l’obscurité de l’ego pour atteindre une Union transformante. Chaque quintil révèle une étape essentielle de ce processus comme le départ, la confiance, la lumière intérieure, l’union et, enfin, l’oubli dans la plénitude.
Ce voyage n’est pas réservé à une élite spirituelle. Comme je l’ai écrit souvent, il n’y a pas de médailles à la clé, pas de place sur un podium, pas de « à la droite de … ». Ce poème reflète une expérience autant personnelle qu’universelle. Cette expérience qui est que tout Être humain cherche à dépasser ses limites pour toucher l’Absolu. À travers cette nuit de l’ego, je découvre que l’obscurité n’est pas une absence, c’est une porte ouverte vers la Lumière véritable.
(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20250102-2))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : The Waking Sleeper Band – 2023 – Planetarium)

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