La Lumière des Instants

Je suis assis dans mon bureau, dans cette pièce relativement silencieuse. Lorsque je ferme les yeux, la lumière semble danser au rythme d’une musique qui m’est inconnue. Je me souviens d’une vidéo explicitant le paradoxe de l’expérience de James Francis Thomson 1️⃣.

Voici en résumé, cette expérience. C’est une expérience de pensée qui n’a pas d’implications physiques en tant que tel. James Francis Thomson l’a introduite pour explorer des questions liées au temps, à l’infini, à la convergence des séries infinies. C’est quelque part une expérience parlant du rapport entre l’éphémère et l’éternité, entre la certitude et l’inconnu.

Pour l’expérience, je prends comme unité de temps, la seconde, comme j’aurais pu prendre la minute, l’heure, le jour, l’année. En fait, peu importe l’unité de temps. Dans ce paradoxe, James Francis Thomson propose une lampe qui s’allume et s’éteint à des intervalles de plus en plus courts, à savoir, une seconde, une demi-seconde, un quart de seconde, un huitième de seconde, un seizième de seconde et ainsi de suite. Donc, dans un temps fini de deux secondes représentant la somme des intervalles de temps sur une infinité de transitions, la question qui est posée par James Francis Thomson est : « À la fin des deux secondes, la lampe est-elle allumée ou éteinte ? ». Ce paradoxe visait à souligner les difficultés conceptuelles de manipuler des notions comme l’infini dans des contextes physiques ou temporels.

Je me souviens, parmi la multitude de textes publiés, que j’avais fait, quelque part, référence, sans le savoir, à ce paradoxe en écrivant : « Un Être fini ne peut comprendre l’Infini de l’Être ». Qui plus est ce paradoxe me fait penser aussi à celui du « Chat de Schrödinger » que j’avais décrit dans le texte « Je ne sais pas ».

L’expérience du « Chat de Schrödinger » est aussi une expérience de pensée. Cependant, celle-ci est située dans le domaine de la physique quantique. Elle a été proposée par le physicien Erwin Schrödinger 2️⃣ en 1935 pour illustrer certaines implications étranges de la théorie quantique. L’idée de l’expérience est la suivante : « Imaginez un chat placé dans une boîte hermétiquement fermée avec un dispositif quantique, comme un atome radioactif. Si l’atome se désintègre, cela déclenche un mécanisme libérant un poison et tuant le chat. Si l’atome ne se désintègre pas, le chat reste en vie ». Selon les principes de la mécanique quantique, avant d’ouvrir la boîte et d’observer, le chat existe dans un état superposé, à la fois vivant et mort. Ce n’est que lorsque l’observation est effectuée que l’état du chat se « réalise » en vivant ou mort.

Ainsi, le paradoxe de la lampe de Thomson me pousse à contempler ma propre existence. Si le temps, ce grand maître de l’univers, peut être divisé infiniment, alors chaque instant contient en lui une part d’éternité. Lorsque je respire, ce n’est pas simplement un acte de survie. C’est un battement dans l’océan du temps, une goutte infinie qui rejoint une mer tout aussi infinie.

Suis-je, alors, prisonnier d’une illusion ? Je me demande si ce que je perçois comme des instants distincts, ces « allumages » et « extinctions » de la lampe de ma Conscience ne sont pas en réalité une seule Lumière continue, masquée par l’illusion des transitions. Peut-être que le vrai paradoxe de Thomson n’est pas dans la lampe. Il est dans mon esprit, dans ma manière de penser le temps et l’espace.

J’ai fait référence, dans différents textes, à ce que Héraclite d’Ephèse disait que « Tout coule » (« Panta rhei »). Ses mots résonnent encore dans mon esprit sous la forme : «  »Nul Homme ne se baigne deux fois dans le même fleuve car, la seconde fois, ce n’est plus ni la même eau ni le même homme ». Je réalise que la lampe de Thomson, avec son infinie série d’oscillations, est un fleuve dans lequel je ne peux plonger qu’une seule fois. Chaque intervalle est, à la fois, une rupture et une continuité, un écho du paradoxe de la vie elle-même.

Cependant, une question se pose à moi : « Si le fleuve change constamment, existe-t-il une unité sous-jacente qui ne change pas ? ». Je me réfère, encore, à Héraclite d’Ephèse qui parlait du « Logos » comme étant cet ordre éternel qui régit le chaos apparent. Ce mot grec « Logos », j’en ai trouvé une définition plus longue sur un site (j’ai oublié de le noter) : « Le mot grec Logos, qui signifie traditionnellement parole, pensée, principe ou discours, a été utilisé à la fois par les philosophes et les théologiens. Dans la plupart de ses utilisations, le logos est marqué par deux distinctions principales : la première traite de la raison humaine, la rationalité de l’esprit humain qui cherche à atteindre la compréhension et l’harmonie universelles, la seconde de l’intelligence universelle, la force dirigeante universelle qui gouverne et révèle à l’humanité à travers le cosmos, c’est-à-dire le Divin ».

Peut-être que, dans cette expérience de pensée de James Francis Thomson, il m’est proposé de chercher mon « Logos », à savoir ma Lumière immuable au cœur de mon infinie fragmentation. Pour moi, le paradoxe de la lampe est une leçon sur l’impermanence elle-même. L’allumage et l’extinction sont des métaphores de la vie et de la mort, des dualités auxquelles je m’attache, sans cesse, en oubliant que la véritable nature de la lampe n’est ni dans sa lumière, ni dans son obscurité, simplement dans l’espace vide qu’elle éclaire. Si mes souvenirs sont bons, Judicaël disait : « Entre un Inspire et un Expire, se trouve tout l’Univers ».

Je ferme les yeux et je m’interroge : « Où suis-je, lorsque la lampe s’éteint ? », « Suis-je dans le néant ou dans une plénitude que mon esprit ne peut saisir ? ». Le vide, dans cette perspective, n’est pas un manque. Il est une matrice, un potentiel infini. J’ai trouvé une « explication » de ce vide dans un extrait du livre « Le Livre de la voie et de la vertu » de Lao Tseu 3️⃣ : « Trente rais se réunissent autour d’un moyeu. C’est de son vide que dépend l’usage du char. On pétrit de la terre glaise pour faire des vases. C’est de son vide que dépend l’usage des vases. On perce des portes et des fenêtres pour faire une maison. C’est de leur vide que dépend l’usage de la maison. C’est pourquoi l’utilité vient de l’être, l’usage naît du non-être ». Ainsi, peut-être que la lampe de Thomson m’est utile précisément parce qu’elle me montre l’inutilité de chercher des réponses dans le fini.

Et pourtant, je suis humain et mon esprit revient toujours à l’infini. Et moi, dans ma conquête spirituelle, suis-je libre de penser l’infini sans m’y perdre ? Ou suis-je condamné, comme la lampe, à osciller entre des états qui ne touchent jamais l’éternel ?

Le paradoxe de la lampe de Thomson exprime que l’infini n’est pas une destination, il est un chemin. Chaque allumage de la lampe est une étape, une étape qui contient toutes les autres, comme une note dans une symphonie infinie. Peut-être que la lumière de cette lampe n’a jamais eu besoin de s’éteindre ou de s’allumer. Peut-être que sa vérité réside au-delà de l’acte lui-même.

Finalement, je comprends que cette lampe n’est pas un objet extérieur. Elle est une métaphore de ma propre conscience, de ma capacité à percevoir, à réfléchir, à accepter. Quand je m’interroge sur la lumière, je m’interroge sur moi-même. Mes pensées, comme les oscillations de la lampe, surgissent et disparaissent, cependant elles ne définissent pas l’espace où elles se produisent.

Je sais que ma Lumière ne vient pas d’une lampe, elle vient de mon Cœur. Cette lampe, ce paradoxe, ne sont que des outils pour me rappeler que l’Éternité est déjà en moi. L’infini n’est pas dans le temps, il est dans l’instant présent. Quand je suis pleinement ici, ni dans l’attente de la lumière, ni dans la crainte de l’obscurité, je touche une vérité que ni le fini, ni l’infini ne peuvent contenir. Je sais que le temps est une illusion, que l’infini est une invitation, que la Lumière véritable ne s’éteint jamais.

Ainsi, je reste assis dans mon bureau, entouré d’un silence qui n’a rien de vide. Ma lampe s’allume, s’éteint, je souris. La lumière va, vient et je souris à nouveau. Dans chaque battement de ma Lumière, je vois l’Éternité jouer avec le temps, et j’accepte que je suis, à ma manière, cette lampe. Une flamme qui fluctue entre le fini et l’infini, éclairant les ombres de ma propre incarnation.

(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20241231-2))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Bartholdi & Wenger – 2024 – Hiems)

1️⃣ :  James Francis Thomson (1921–1984) était un philosophe britannique connu principalement pour ses travaux en logique philosophique et en philosophie des mathématiques (Merci Wikipedia);

2️⃣ :  Erwin Schrödinger, né le 12 août 1887 à Vienne et mort le 4 janvier 1961 dans la même ville, est un physicien, philosophe et théoricien scientifique autrichien (Merci Wikipedia) ;

3️⃣ :  Lao Tseu ou Lao-Tseu, Laozi ou Lao Zi, plus communément appelé en Chine Tàishàng lǎojūn, de son vrai nom Li Er, aurait été un sage chinois et, selon la tradition, un contemporain de Confucius. Il est considéré a posteriori comme le père fondateur du taoïsme (Merci Wikipedia).

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