Là où le Vent Devient (texte)
Je perçois ma conscience humaine comme une mer profonde, mouvante. Chaque pensée est une vague. Chaque doute est un courant invisible. Parfois, les eaux sont calmes et mon esprit flotte, sans effort, porté par une lumière douce et chaleureuse. D’autres fois, une tempête gronde en moi, soulevant des houles que je peine à dompter. Ainsi, je navigue, sans cesse, sur cette mer intérieure, cherchant une rive que je ne peux nommer.
Il y a des jours où je me demande si je suis le marin ou la barque, si je suis celui qui tient la barre ou celui qui se laisse emporter. Je suis, à la fois, l’explorateur et la terre inconnue, la question et la réponse. Chaque aube est un départ. Chaque crépuscule une promesse en devenir. Entre ces deux rives, l’instant, le moment, le temps, s’étire insaisissable.
Le temps, cette illusion que j’ai cherché à comprendre. Ce temps qui coule comme une rivière souterraine. Il est ici sans être vu, sans être entendu. Il ne se laisse ni capturer, ni arrêter. Il est ce sable fin qui glisse entre mes doigts. Il est ce vent qui danse dans les feuillages sans jamais s’y fixer. Le passé est recouvert de brume. L’avenir est une étendue désertique où tout se dessine, où tout s’efface à la fois. Où suis-je dans ce flux incessant ? À quel point puis-je dire « Je » sans trahir ma propre Divinité ?
J’ai cru, un temps, que les souvenirs étaient des phares, des balises, des ancrages. Pourtant, lorsque je les invoque, ils se teintent d’autres couleurs, se déforment, se parent d’échos inconnus. Rien ne demeure intact dans ma mémoire, rien ne reste figé dans mon éternité. Je suis l’assemblage de fragments flottants. Pourtant, aucun ne me définit entièrement. Qui Suis-Je, sinon un mirage qui se croit réel, une illusion qui se croit révélée ?
Parfois, je croise des visages qui m’interrogent en silence. Sont-ils des reflets de moi-même ? Sont-ils des âmes errantes, perdues dans leur propre conquête ? Je ressens leurs regards, leur poids, leurs attentes, leurs peurs murmurées. Ils cherchent ce que je ne cherche plus, une vérité plus vaste que les mots, une certitude qui ne s’effrite pas sous le vent du doute. En même temps, tout ce que je touche s’efface, tout ce que je crois saisir m’échappe.
Je me souviens d’un rêve étrange. J’étais dans une forêt dont je ne percevais pas la fin. Les arbres, aux alentours, chuchotaient des évènements oubliés. Chaque regard, que je portais, créait un chemin. Dès que je posais un autre regard, le chemin se dissipait. Je ne pouvais le retenir. « Tu es la route et le voyageur » disait une voix. J’ai voulu voir qui parlait. Il n’y avait que le vent et le frémissement des feuilles.
Alors, j’ai cessé de regarder. J’ai laissé les racines m’enlacer, le silence m’habiter. Peu à peu, je suis devenu un arbre moi-même. Je suis devenu un grand arbre dans la forêt. La forêt n’était plus un labyrinthe. Elle était un corps unique dont j’étais une branche, un souffle, une pulsation. Je compris que je n’avais jamais été séparé de rien, que je n’avais jamais été autre chose que cette infinitude sans nom.
Et si le sens de tout ceci n’était pas dans la recherche. Si le sens de tout ceci était dans l’acceptation ? Si la mer n’attendait pas de trouver une rive, si le vent n’avait pas besoin d’une direction, pourquoi moi, devrais-je me définir, me limiter, me contraindre à être quelque chose de précis, quelque chose de fini ?
Peut-être que le voyage lui-même est l’unique réponse. Peut-être qu’il n’y a rien à atteindre, que l’horizon est un miroir, que ce que je poursuis a toujours été ici, sous mes pas, sous ma peau, dans chaque respiration, dans chaque battement. Peut-être que je ne suis ni le marin, ni la barque, ni la mer, ni même l’arbre, ni même la forêt. Peut-être que je suis le vent qui passe et qui emporte.
Alors, enfin, je me laisse traverser. Sans attendre, sans résister. Je deviens ce qui Est.
(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20250315-1))
(Illustration : Flux (Pro) suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Gabriel Albuquerque – 2024 – A New Era)

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