Esse Est Percipi Aut Percipere

(sous-titre : L’Être et le Regard)

Je (pour)suis mon exploration commencée dans le texte précédent intitulé « L’Illusion du Réel ». Ce texte se terminait par cette question : « Mais qui regarde, au juste ? ». À ce stade de l’écriture, je ne sais pas si quelqu’un a répondu. Et s’il y a eu une ou plusieurs réponses, je n’en connais pas la teneur. Le présent texte représente ma réponse à la question que j’ai posée. Peut-être qu’il y aura des « redites » par rapport à ce que j’ai déjà écrit, c’est ainsi.

Ainsi, je suis un regard posé sur le monde et, par ce regard, j’existe. Lorsque j’ouvre les yeux au matin, tout surgit à nouveau. La lumière traverse les tentures, le murmure lointain de mon village en éveil se pose sur mes oreilles, mon corps, étendu dans le lit, affirme sa présence dans l’instant.

Cependant, si, dans le silence d’une nuit noire, nul ne me voit, suis-je encore moi ? Si un objet repose, oublié, dans une pièce déserte, existe-t-il toujours ? Mes pensées m’entraînent dans une spirale où l’Être se confond avec la perception. Car Être, c’est être perçu ou percevoir. Cette affirmation, je l’ai reprise de George Berkeley que j’ai cité dans le précédent texte et dont la citation latine est le titre du présent texte.

Il y a des moments où je me perds dans cette question. Si je marche dans un sentier de forêt où nul autre regard ne se pose sur moi, suis-je encore pleinement moi ? La solitude totale peut être une idée terrifiante car elle me confronte au vide d’un monde où rien ne m’atteste. Que reste-t-il de moi si personne ne me reconnaît ?

J’imagine un instant que je marche dans une rue. Je croise une multitude de gens, d’êtres, et, pourtant, personne ne me regarde, personne ne me sourit, personne ne me parle. Suis-je présent dans cette rue ? Suis-je comme une sorte de fantôme ?

Puis, je réalise que je ne suis jamais totalement seul. Il y a toujours une conscience pour me percevoir. Cette conscience, c’est la mienne. Même dans l’obscurité d’une chambre close, je suis ici, témoin de moi-même. Et si je doute de ma propre existence, il me suffit de sentir, de penser, d’observer. Le simple fait de percevoir me prouve que je suis. Ainsi, je ne peux jamais cesser d’être, tant que j’ai conscience de quelque chose, même du néant.

Mais si je suis, que dire du monde qui m’entoure ? Comment savoir s’il existe réellement et ne se dissout pas dès que mon regard se détourne ? L’arbre dans la clairière, le bruit du vent, la douceur d’une voix familière. Tout ceci est-il ici en dehors de ma perception ou bien n’est-ce qu’un spectacle que mon esprit projette ?

René Descartes 1️⃣ doutait du réel, soupçonnant une illusion, un rêve dont seul le cogito 2️⃣ pouvait l’extraire. George Berkeley, cité plus haut, lui, affirmait que les choses n’existaient qu’en tant qu’elles sont perçues. Alors, lorsque je touche une pierre froide, lorsque je ressens la morsure du vent sur ma peau, puis-je être sûr que cela ne dépend pas entièrement de ma propre perception ?

En fait, peut-être que cette question est sans objet. Car peu importe que le monde existe « en lui-même ». Il existe pour moi, à travers moi. Tout ce qui est, est tel que je le perçois, et ceci suffit à lui donner une réalité, ma réalité.

Un jour, j’ai croisé le regard d’une inconnue dans la rue. Un simple instant, une fraction de seconde où nos yeux se sont arrêtés l’un sur l’autre. Dans ce moment fugace, j’ai senti une reconnaissance, une attestation de mon existence à travers un autre être. Comme si, en cet instant, je n’étais plus seulement ma propre perception, j’étais aussi la sienne.

L’autre est un miroir qui me révèle. Par son regard, il me façonne, m’accorde une place, me fait exister d’une manière différente. L’amour, le rejet, l’indifférence, chaque relation que je tisse avec autrui modifie la perception que j’ai de moi-même. Est-ce à dire que je ne suis qu’un reflet des regards qui se posent sur moi ? Non ! Bien évidemment que non car je perçois aussi. Je suis regardé et je regarde à mon tour.

Alors, qu’est-ce que je suis, sinon cette capacité infinie à percevoir ? L’être n’est pas un bloc de matière figé dans le temps. Il est un flux d’énergies, de vibrations, de sensations, de pensées, d’émotions. Je suis parce que je ressens, parce que je vois, parce que je pense. Si tout devait s’effacer, si le monde disparaissait dans une brume indistincte, tant que je perçois, quelque chose existera encore : « Moi ».

C’est ainsi que la « peur » du néant s’évanouit. Car le néant absolu est impossible tant que subsiste un regard, une conscience qui le contemple. Et tant que je peux voir, entendre, toucher, penser, Je Suis.

Ainsi, dans chaque instant, je me renouvelle. Mon existence est une oscillation entre ce que je perçois et ce qui me perçoit. Dans cet échange perpétuel, je découvre une vérité simple et lumineuse : « Je Suis un regard et, par ce regard, Je Demeure ».

(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20250202-1))
(Illustration : Flux (Pro) suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Pink Floyd – 2014 – The Endless River)

1️⃣ :  voir, notamment, les textes « Je Doute donc Je Suis », « Oculus Anima Index » ;

2️⃣ :  « Cogito » : Déclinaison à la première personne du verbe latin cogitare (« penser »), le cogito désigne et abrège la célèbre phrase de René Descartes tirée du « Discours de la méthode » : « cogito ergo sum » (« Je pense donc je suis »). Cette formule, qui décrit une intuition et non pas une démonstration, signifie que la pensée et l’être coexistent nécessairement et donc que le sujet tire la certitude de son existence du seul fait qu’il pense (source : https://www.philomag.com/lexique/cogito).

Publié par

Categories: ,

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Ma Spiritualité

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture