L’Illusion du Réel
(sous-titre : Quand mes Sens Façonnent le Monde)
Il y a quelque mois dans le groupe « Accords Toltèques », j’avais raconté qu’enfant, jeune ado, je me demandais si ce qui était, derrière moi, existait à tout moment. En fait, c’était plutôt que ce qui était en dehors de ma vue existait-il ou non. Ainsi, parfois, je me retournais rapidement pour revenir à ma position d’origine. Bien évidemment, quand je me retournais, je ne voyais plus ce que je voyais avant. Certaines personnes en ont ri. Et j’accepte ceci car qui se pose ce type de questions à cet âge-là.
Toujours est-il que mon questionnement n’était pas si « futile » que çà. Maintenant, je me pose la question différemment : « Est-ce que l’univers, tel qu’il est, ici et maintenant, est le même ? ». Je ne parle pas de millions d’années, ni même de secondes. Je sais que tout évolue. Je reformule ma question : « Est-ce que l’univers se recrée sans cesse ? ». C’est un peu comme si j’avais devant moi une succession d’image à haute, très haute vitesse et que mes sens sont incapables de discerner que ce que j’ai « en face » de moi est, en fait, un renouvellement d’images.
Je sais que la réponse « rapide » est qu’il n’y a que l’instant-présent qui existe. J’en ai bien conscience. Cependant, quand je ferme les yeux, que deviennent les éléments qui m’entourent ? La table devant moi, le ciel par la fenêtre, l’écho d’un chant d’oiseau qui se dissipait dans l’air, existent-ils encore, intacts, ou bien se dissolvent-ils dans un vide, un espace, un environnement inconnaissable jusqu’à ce que je les invoque à nouveau par mon regard, mon ouïe, mon toucher, en résumé, par mes sens ?
J’entends : « Mais Michaël, un aveugle peut sentir la forme des choses, donc ces choses existent ». Oui, je sais ceci. Cependant, je vais plus loin parce que, dans l’exemple de l’aveugle, il a d’autres perceptions, d’autres « capteurs » qui entrent en action. Je sais que ma question, qui peut paraître naïve, ouvre un univers de réflexion à la croisée de la physique quantique, de la perception sensorielle, de la philosophie de la conscience.
Je sais que je ne vois jamais un objet tel qu’il est. Ce que j’expérimente n’est qu’une interprétation que mon cerveau produit à partir de signaux électrochimiques. La lumière frappe un objet, elle est réfléchie, elle pénètre ma rétine, puis mon cerveau en décode une image. Cependant, si mes yeux sont fermés ou si je tourne la tête, que reste-t-il de cet objet ? Sa réalité objective m’échappe comme une carte n’est pas le territoire qu’elle représente.
Si une autre personne, à côté de moi, regarde le même objet, elle me dira que l’objet existe puisqu’elle le voit. Oui et, en même temps, c’est sa perception et non la même. Ainsi, mes autres sens ne valent guère « mieux ». Un parfum ne persiste qu’autant que mes récepteurs olfactifs captent ses molécules. Une mélodie n’existe qu’en tant que variation d’ondes acoustiques décodées par mon oreille. La saveur d’un fruit n’est qu’un jeu de stimulations nerveuses. Ce que je ne perçois pas n’a pas d’existence tangible dans mon expérience immédiate.
La physique moderne semble conforter ce doute. Dans l’expérience des fentes de Young 1️⃣, un photon se comporte tantôt comme une onde, tantôt comme une particule, selon qu’il est observé ou non. Cette observation suggère que la réalité est en partie suspendue dans un état d’indétermination tant qu’un regard ne vient pas la fixer.
Il y a aussi le principe de Heisenberg 2️⃣ dont j’avais parlé dans différents textes 3️⃣ pour d’autres raisons. Suivant ce principe, il n’est pas possible de connaître la vitesse et la position d’un électron autour de son noyau. En d’autres termes, il est possible de connaître sa vitesse ou sa position mais jamais les deux en même temps.
Si l’univers microscopique suit ces logiques, pourquoi le monde macroscopique y échapperait-il ? Peut-être que mon bureau, mon fauteuil, même mon corps ne sont réels que dans l’instant où je les perçois. Entre chaque instant d’observation, ils pourraient n’exister que sous forme de potentialités.
Si j’ai senti un parfum hier, existe-t-il encore aujourd’hui ? Non, pas en tant qu’effluve matériel. Il ne subsiste que dans ma mémoire, une réminiscence fuyante. Ce souvenir est-il le parfum lui-même ? Certainement pas. Le souvenir d’un instant ne contient pas l’instant lui-même. Ce qui a été perçu semble disparaître irrévocablement. Tout ce qui n’est pas perçu est comme suspendu dans une réalité que je ne peux attester, en tout cas, que je ne peux percevoir.
Et si le monde était entièrement une projection de ma conscience ? Le philosophe George Berkeley 4️⃣ soutenait que l’être des choses repose sur leur perception. Cette idée trouve écho chez moi également. J’avais déjà cité que « Tout est Māyā. Tout est illusion » 5️⃣ car cette illusion est dépendante de notre conscience, en fait, de notre niveau de conscience 6️⃣.
Si ma conscience seule détermine ce qui existe alors quand je ne regarde pas un objet, il ne disparaît pas seulement de mon champ de vision, il pourrait bien ne plus exister du tout. J’imagine un livre déposé sur une table. Je le regarde, il est ici. Je ferme les yeux. J’ai la persistance qu’il est toujours à l’endroit où je l’ai déposé. C’est, quelque part, une part de mémoire activée, un souvenir. Cependant, continue-t-il à exister ? Peut-être est-il dans un état indéterminé, prêt à reprendre forme dès que j’ouvre les paupières. Mon regard serait alors un projecteur faisant émerger une seule réalité parmi un océan de possibles.
Certaines interprétations de la mécanique quantique, comme celle des univers multiples, suggèrent que chaque observation fixe une possibilité parmi une infinité d’autres. Peut-être que l’objet que je regarde existe dans une multitude d’états jusqu’au moment où ma perception l’ancre dans une réalité unique, en fait dans la réalité qui m’est propre, qui est mienne.
Ainsi que les objets disparaissent ou non quand je ne les regarde plus dépend de l’angle sous lequel j’envisage la question. D’un point de vue purement perceptif, tout ce qui n’est pas capté, par mes sens, cesse d’exister pour moi. La physique quantique ajoute une couche de mystère en suggérant que l’acte d’observer pourrait être nécessaire pour stabiliser la réalité. Ensuite, la philosophie, la spiritualité m’invitent à remettre en question l’existence même d’un monde indépendant de la conscience.
Peut-être qu’en fin de compte, la seule chose qui existe vraiment, c’est la question elle-même, en perpétuelle réinvention dans mon esprit. Une oscillation infinie entre apparition et disparition, entre présence et absence. Peut-être que le monde ne cesse jamais d’exister. Peut-être qu’il attend simplement d’être regardé.
Mais qui regarde, au juste ?
(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20250201-1))
(Illustration : Flux (Pro) suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Gleb Kolyadin – 2021 – Water Movements)
1️⃣ : Les fentes de Young (ou interférences de Young) désignent en physique une expérience qui consiste à faire interférer deux faisceaux de lumière issus d’une même source, en les faisant passer par deux petits trous percés dans un plan opaque. Cette expérience fut réalisée pour la première fois par Thomas Young en 1801 et permit de comprendre le comportement et la nature de la lumière. Sur un écran disposé en face des fentes de Young, on observe un motif de diffraction qui est une zone où s’alternent des franges sombres et illuminées. Cette expérience permet alors de mettre en évidence la nature ondulatoire de la lumière. Elle a été également réalisée avec de la matière, comme les électrons, neutrons, atomes, molécules, avec lesquels on observe aussi des interférences. Cela illustre la dualité onde-particule : les interférences montrent que la matière présente un comportement ondulatoire, mais la façon dont elles sont détectées (impact sur un écran) montre leur comportement particulaire (merci Wikipedia) ;
2️⃣ : Werner Heisenberg, né le 5 décembre 1901 à Wurtzbourg (Empire allemand) et mort le 1er février 1976 à Munich (Allemagne de l’Ouest), est un physicien allemand qui est l’un des fondateurs de la mécanique quantique, notamment en mettant en évidence le principe d’incertitude et en développant la formulation probabiliste de la fonction d’onde (merci Wikipedia) ;
3️⃣ : voir les textes « Et Maintenant ! Une page de publicités … spirituelles », « Je ne sais pas », « IA ou IA pas 2 » ;
4️⃣ : George Berkeley, né le 12 mars 1685 à Kilkenny et mort le 14 janvier 1753 à Oxford, est un philosophe et évêque anglican irlandais, souvent classé dans la famille des empiristes après John Locke et avant David Hume. Son principal apport à la philosophie fut la défense de l’immatérialisme, résumé par la formule « esse est percipi aut percipere » signifiant « être c’est être perçu ou percevoir » (merci Wikipedia) ;
5️⃣ : voir le texte « Tout est Māyā. Tout est illusion » ;
6️⃣ : voir le texte « Niveaux de Conscience ».

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