Au Cœur de l’Incertitude

Après le récent texte « L’éveil au Doute », voici l’incertitude. Depuis que j’écris et que je publie mes textes, j’ai utilisé plusieurs fois le mot « incertitude ». La première fois, c’était il y a plus de trois ans lorsque je reprenais mon ressenti de la chanson « Un homme heureux » de William Sheller. Cette chanson a été une sorte de prise de conscience. J’avais écrit : « J’ai la sensation qu’il y une graine d’incertitude qui a été semée en moi ».

Pourquoi est-ce que je parle d’incertitude ? J’ai lu un article sur le « Théorème de Bayes 1️⃣« .. C’est un théorème que je vais expliciter avec des mots « simples ». Pour une version plus détaillée, il y a une multitude de sites en parlant.

Le théorème parle du calcul de la probabilité d’un évènement « A » en fonction des informations connues sur des évènements, informations qui lui sont potentiellement liés. Comme c’est un calcul de probabilité, l’approche de ce théorème est qu’elle a la capacité de donner des résultats même quand il manque des informations. Qui plus est, en fonction de nouvelles informations qui arrivent, les résultats changent, s’adaptent au fur et à mesure.

Quelques exemples pour une meilleure compréhension.

Je cherche mes clés. Je me dis qu’elles sont dans le salon car c’est là que j’ai l’habitude de les déposer. Je fixe la probabilité arbitraire qu’elles y soient à 50 %. Je vais dans le salon, je regarde sur les meubles, mes clés n’y sont pas. En tenant compte de cette observation, la probabilité, qu’elles soient ailleurs comme dans la cuisine, dans le hall d’entrée, augmente, car la possibilité qu’elles soient dans le salon diminue. Est-ce que çà va jusqu’ici ?

Je suis dans un magasin. Je fais la file à une caisse. Je remarque que la file à ma droite avance plus vite que celle de gauche. A priori, j’estime qu’il y a 60% de chances qu’elle soit la plus rapide. Cependant, en observant que la caissière de droite semble discuter longuement avec un client, j’ajuste mes « probabilités » en faveur de la file de gauche. Est-ce que ça va toujours jusqu’ici ?

Un dernier pour la route. Je regarde les films proposés au cinéma. Il y a un film avec un de mes acteurs préférés. Je sais que, dans l’ensemble, j’apprécie 80 % de ses films. Après avoir vu la bande-annonce sur un site spécialisé, je trouve que l’intrigue a l’air peu engageante. Cette nouvelle donne diminue la probabilité que j’aime le film même si c’est avec un des acteurs que j’apprécie.

En fait, en fonction des informations que j’ai, ainsi que d’autres informations parfois incomplètes non encore connues, je peux rapidement converger vers une « solution ». Cette « solution » ne sera pas nécessairement en adéquation avec ce que j’aurais souhaité et, en même temps, c’est une « solution ».

J’entends la question : « Merci Michaël pour ces informations et, en même temps, qu’est-ce que ceci vient faire dans un groupe parlant de spiritualité ? ». Ce théorème exprime, d’une façon aussi claire que puissante, qu’à chaque instant, mes « croyances », même mes « certitudes », évoluent au gré des nouvelles informations que je reçois. En fait, il s’agit d’un processus d’actualisation, d’une dynamique de compréhension, d’un mouvement d’acceptation en constante mutation. Ainsi, n’est-ce pas ceci le Cœur même de la conquête spirituelle ?

Je perçois ma vie, comme ce théorème, comme une tentative continue de comprendre l’invisible à partir de fragments visibles. Mes expériences, si disparates soient-elles, sont comme des éclats d’un miroir brisé. Chaque morceau reflète une part du tout. C’est en les rassemblant que j’ébauche une image plus complète. Pourtant cette image, toujours partielle, reste sujette à révision. C’est à travers l’incertitude, et non la certitude, que je grandis, que j’évolue.

Oh, je sais que l’incertitude est souvent perçue comme une « ennemie », un fardeau à éviter. Pourtant, elle est le fondement même de mon évolution intérieure. Si j’étais sûr de tout, il n’y aurait aucun doute, aucun inattendu, aucune surprise. Pourtant, le doute n’est pas un obstacle, c’est un guide. Lorsque je me trouve confronté à une situation qui défie mes « croyances », mes « certitudes », je suis appelé à ne pas m’y accrocher obstinément, aveuglément. Je les adapte à la lumière des nouvelles évidences, des nouvelles rencontres, de nouveaux embranchements. Bien sûr, ceci exige de la souplesse, un détachement de l’idée que je détiens déjà la « vérité ultime ».

Ainsi, je m’interroge : « Quelles sont mes croyances, mes certitudes que je tiens pour acquises et qu’il m’est proposé de revisiter ? ». Peut-être est-ce une conception, une idée que je poursuis sans jamais vraiment la saisir. Peut-être est-ce ma perception de l’autre, ce miroir dans lequel je refuse, parfois, de voir mes propres imperfections. À chaque tournant, à chaque coin de rue, à chaque pas, la vie m’offre des indices. Elle dépose sur mon chemin des petits cailloux, des signes que j’accepte ou non d’interpréter avec attention.

Cependant, ce processus d’actualisation ne se fait pas seulement à travers ma raison. Il implique également l’intuition, cette étincelle silencieuse qui éclaire mon chemin. Le « Théorème de Bayes » lui-même, bien qu’ancré dans la rigueur des mathématiques, ne me limite pas à une froide, implacable logique. Il « exige » que je commence par une « probabilité a priori » (voir les exemples précités). Il demande une estimation initiale qui repose autant sur mes expériences passées que sur mon intuition. Ainsi, la raison et l’intuition deviennent des partenaires et non des concurrentes.

Je me rappelle alors ces moments où j’ai ressenti une vérité profonde sans pouvoir la prouver. C’était comme un murmure qui m’appelait à avancer. Peut-être avez-vous déjà éprouvé ceci, une impression que quelque chose, un choix, une direction, un chemin, un carrefour, était juste, sans pouvoir en expliquer la raison. Ce sont mes intuitions qui éclairent mes pas lorsque ma raison vacille. Ah ce célèbre : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point » 2️⃣.

Je ne vais pas réécrire ce que j’ai déjà écrit sur les interconnexions. Cependant, chaque expérience individuelle nourrit une compréhension collective. En partageant mes expériences, en échangeant mes « données », mes informations, j’élargis le champ de la perception de chacun.e. Ce que j’accepte aujourd’hui peut inspirer quelqu’un.e d’autre demain. C’est une sorte de transmission. Le « Théorème de Bayes », avec sa capacité à intégrer des éléments multiples pour réévaluer une situation, me semble être une parfaite allégorie de cette interdépendance.

Je sais qu’il n’y a aucune certitude absolue. Par contre, en avançant, en cheminant, mon « approximation » se précise. N’est-ce pas là un merveilleux rappel que la Spiritualité est un voyage à découvrir ? Chaque pas, chaque question, chaque réponse partielle me rapproche d’une acceptation plus grande, sans jamais clore le chapitre.

Ainsi, je choisis d’accueillir l’incertitude au Cœur de mon Être. C’est une preuve que je suis vivant, en chemin, en conquête. J’accepte que mes « croyances » soient malléables, que mes intuitions soient imparfaites, que ma compréhension évolue. Car c’est dans cet élan, dans cette ouverture, que réside la beauté de l’Existence.

Et Toi, Amie Lectrice, Ami Lecteur, quels signes t’invitent à réévaluer, à explorer, à croire, à croitre ?

(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20250127-1))
(Illustration : Flux (Pro) suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Mohon – 2024 – Rise X)

1️⃣ :  Thomas Bayes, né env. en 1702 à Londres, mort le 7 avril 1761 à Tunbridge Wells dans le Kent, est un mathématicien britannique et pasteur de l’Église presbytérienne, connu pour avoir formulé le théorème de Bayes (merci Wikipedia) ;

2️⃣ :  Aphorisme philosophique de Blaise Pascal issu de ses Pensées. Nonobstant un emploi fréquent à propos d’affects dans la culture populaire, cet aphorisme traite de la religion. C’est un raccourci de la conception de Pascal : la raison n’est pas le meilleur moyen d’appréhender Dieu. La phrase est devenue une maxime évoquant, avec une certaine indulgence, la complexité intime de certains choix, peu lisibles pour un observateur, particulièrement en matière de choix de partenaire amoureux. Hervé Pasqua considère que l’usage courant tient du « contresens », citant, à l’appui du sens véritable, un fragment des Pensées contigu : « C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi, Dieu sensible au cœur et non à la raison » (merci Wikipedia) ;

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