Désidentification du Personnage

Dans le texte précédent, intitulé « Se Connaître et S’Oublier », j’écrivais à la fin : « Se Connaître et S’Oublier, c’est se Désidentifier du Personnage« . J’ai déjà écrit sur ce personnage 1️⃣ qui est un costume, un rôle, un masque que je porte pour cheminer dans ce monde de dualités.

Qu’est-ce que ceci veut dire se « Désidentifier » ? La « Désidentification du Personnage » est, comment dire, un processus par lequel un Être cesse de s’identifier exclusivement à son « Personnage ». En d’autres à ne plus s’identifier à l’ensemble des constructions mentales, des rôles sociaux, des croyances, des émotions, des récits personnels qui composent l’ego ou le « moi » apparent. Ceci revient à reconnaître que ces aspects ne définissent pas la véritable Essence de l’Être.

Tout ce que je vais écrire va être vu, lu, accepté ou non, en fonction du Niveau de Conscience 2️⃣ dans lequel, Toi, Amie Lectrice, Ami Lecteur, tu te trouves à la lecture du présent texte.

Mon « personnage » fait référence à l’identité que je me suis forgée à travers mes expériences, mes conditionnements (familiaux, amicaux, professionnels, régionaux, philosophiques, religieux, …) ainsi que mes attentes sociales. Cette identité, elle est « simple ».

Je m’explique sur cette « simplicité ». J’image un instant qu’un membre de l’ordre, un magistrat me demande de décliner mon identité. Je vais lui répondre via mon nom, ma date de naissance (ou mon âge), ma situation familiale, ma situation professionnelle. Peut-être que je parlerai un peu de mon « histoire » en fonction du contexte. Peut-être que j’expliciterai mes différents rôles qu’ils soient familiaux, sociaux, professionnels.

Pourtant, mon identité va plus loin. Quelles sont mes croyances ? Est-ce que je suis timide ? Est-ce que je suis ambitieux ? Est-ce que je suis doux ? Est-ce que je suis colérique ? Est-ce que j’ai des attachements à des aspects extérieurs comme les réussites, les possessions, les relations ? Est-ce que mes pensées, mes émotions donnent l’impression d’un « moi stable » ? Et encore beaucoup de choses qui ne se sont pas présentées à l’écriture du présent texte.

Avant d’aller plus loin qu’est-ce que ce « moi stable » ? Ernst Mach 3️⃣ parle du « moi stable » en ces termes : « Le corps est constitué de huit types de capteurs sensoriels reliés par les nerfs à une centrale nerveuse (le cerveau) cerveau qui intègre les sensations par association et conserve la trace qu’elles laissent dans le système nerveux. Cette trace est appelée ‘mémoire’. La mémoire n’est rien d’autre que la constitution de sensations stables, c’est-à-dire l’uniformité de nos perceptions sensitives et de leurs associations. Ceci constitue le Moi stable. Cette sensation apparait suite à la continuité perceptive ».  

Pour illustrer son propos. J’image que je suis assis à ma table de cuisine, à ma table de salon, dans un fauteuil, en fait, peu importe la situation que celle-ci soit à l’intérieur ou à l’extérieur. Tout ce que je perçois semble solidement ancré dans ma réalité. En effet, mes sens captent, interprètent le monde de manière répétée, cohérente, jour après jour, instant après instant. Les couleurs, les formes des chaises, des meubles, de la table, du tapis, de chaque objet qui m’entoure se maintiennent dans une continuité rassurante. Cette permanence nourrit ce que je ressens comme ma perception. Et cette perception façonne mon sentiment d’identité. Mon corps exécute les gestes du quotidien comme cuisiner des repas, ramasser les assiettes, jeter les déchets, faire lave-vaisselle. J’agis, quelque part, avec une fluidité instinctive. Je suis comme un musicien qui, par la pratique, devient un avec son instrument. Ce sentiment de constance, cette persistance du monde, est soutenu par la perception que j’en ai.

Ainsi, si je converse avec un.e invité.e lors d’un repas, je demeure paisible tant que chaque objet, reste à sa place, dans mon champ de vision. Cependant, si, soudainement, cet objet venait à disparaître ou si sa forme, sa couleur, son utilité changeaient, ce serait comme si un fil essentiel à mon être venait à se rompre. Une telle rupture menacerait mon sentiment d’identité et, avec elle, ma stabilité intérieure. L’identité est ce socle sur lequel repose mon équilibre psychique. C’est une force fondamentale qui me rassure, mêle si celle-ci peut également être manipulée comme un magicien joue avec mes certitudes sur scène.

Mon invité.e, de son côté, perçoit le monde à travers ses propres filtres. Les siens diffèrent légèrement des miens. Sa position dans l’espace, ses sens, ses habitudes, tout ceci colore sa perception de la réalité d’une manière unique. Ces légères variations suffisent à lui conférer un sentiment d’altérité 4️⃣. Et lorsque ses perceptions diffèrent manifestement des miennes, ceci ébranle, parfois, mes certitudes. Est-il possible d’être « troublé », voire « menacé », lorsque l’autre me reflète un monde que je ne reconnais pas comme le mien ? Pour certain.e.s, la réponse est « Oui », pour moi, c’est « Non ». L’identité, bien qu’elle me définisse, ne m’isole pas. Elle me donne la liberté d’être individuel sans être séparer du Tout.

Ainsi, je sais que ce personnage, cette identité que je me donne et que d’autres me donnent, est une construction temporaire, éphémère, limitée. Ce mot « Personnage », qui vient du latin « Persona » signifiant « masque de théâtre » (masque équipé d’un dispositif spécial pour servir de porte-voix), ne représente pas l’Essence de mon Être. Il n’est qu’une manifestation transitoire dans ce monde.

Ainsi, la « Désidentification » consiste à observer, à déconstruire cette illusion du « Personnage ». C’est très bien et, en même temps, j’entends les questions : « Comment fait-on ? En quoi çà consiste ? Qu’est-ce que ceci implique ? Serais-je différent après ? ». Beaucoup de questions, effectivement.

Je vais avancer, pas à pas, dans cette « Désidentification ». Peu importe que ce que j’écrive soit « prouvé » ou non, c’est le ressenti qui est, à mon sens, important. Ce ressenti vient de : « Qu’est-ce que ce qui va suivre, appelle en moi ? ». Ma réponse est déjà toute trouvée : « Qu’il y ait ou non un ressenti n’est pas important. Je laisse simplement infuser. Je me rappelle de la métaphore de la graine ».

La première « étape » est de réaliser, d’accepter que je suis identifié à ce personnage, en fait, à mon personnage. Ceci signifie que je crois être mes pensées, mes émotions, mes rôles, mes masques. Quelques exemples pour mon propos : « Je suis ce que les autres pensent de moi », « Je suis mes échecs, mes réussites », « Je suis ces pensées négatives », « Je suis heureux », « Je suis malheureux ». Ainsi, l’identification commence par « Je suis … ». Ce « moi » auquel je m’accroche est, en réalité, un flux changeant de pensées, d’expériences.

Une fois cette identification reconnue, je me place dans une posture d’observation. Ainsi, plutôt que de réagir automatiquement en fonction de mon conditionnement, j’apprends à regarder, à observer mes pensées, mes émotions avec détachement, sans jugement. Je deviens donc un observateur, un témoin de ce qui passe aussi bien à l’intérieur de moi qu’à l’extérieur de moi. Au lieu de dire « Je suis en colère », je peux dire : « Une colère émerge en moi ». Au lieu de dire « Je suis amoureux », je peux dire : « L’Amour se révèle en moi ». Cette « subtilité » de langage reflète, déjà, une prise de recul, une position d’observateur. En le formulant ainsi, je sors déjà de l’identification, pour les exemples, à la colère, au sentiment amoureux.

Lorsque je me désidentifie de mon personnage, je fais l’expérience d’un espace intérieur plus vaste. Certain.e.s l’appellent : « Le Soi », « la Conscience Pure », « l’Être », « la Présence », « le Divin », « l’Absolu ». Ce qui reste, au-delà du personnage, est souvent décrit comme une essence immuable, silencieuse, infinie, que les mots ne peuvent pleinement capturer. C’est une dimension de l’existence qui n’est pas affectée par les aléas de la vie, les fluctuations mentales.

« Michaël, tout ceci, c’est bien beau. Mais pourquoi se désidentifier ? Moi, je suis bien dans ma Vie. Pourquoi changer ? ». C’est une très bonne question, merci de me l’avoir posée. Pourquoi se désidentifier ? En fait, il n’y a jamais, jamais, aucune obligation, aucune imposition de désidentifier. Personne ne se désidentifie s’il ne l’a pas « choisi ». Le monde ne va pas changer. Par contre, le regard aussi bien sur le monde que sur soi-même va changer.

Ce qui va suivre, va peut-être surprendre. Comment vais-je m’y prendre pour amener cette « surprise » ?

Si je m’identifie, par exemple, à mon statut social, en me désidentifiant de mon personnage, je risque de souffrir de l’idée de le perdre. Si je me « lance » dans une désidentification de mon personnage et que je me questionne sur ce que je vais perdre, voire même gagner, excusez-moi l’expression : « Passez votre chemin, il n’y a rien à voir ». Je sais que c’est, un peu, brut de décoffrage. D’aucun.e.s disent que c’est une libération spirituelle. En fait, il n’y a aucune libération spirituelle ou autre. Je ne suis prisonnier de rien. Comme je l’ai écrit, mon personnage est un masque, un rôle, je dirais même un reflet, je peux en changer quand je veux. Ce n’est qu’un habit que je porte, je ne suis pas l’habit.

En fait, se désidentifier permet de prendre de la distance, du recul et ainsi ne plus être emporté par les fluctuations de l’ego. Lorsque je me désidentifie, je découvre une paix intérieure, indépendante des circonstances extérieures. Ceci ne signifie pas fuir la vie, simplement l’aborder avec un nouveau regard, libre de l’attachement au résultat.

Dans cet état, je réalise que je ne suis pas séparé du reste de l’Existence. La désidentification ouvre la porte à une perception non-dualiste, où l’individu, le « Je » et le monde ne sont plus divisés. Je rappelle, comme dans le texte précédent, ce que Rûmî disait : « Vous n’êtes pas une goutte dans l’océan. Vous êtes l’océan tout entier dans une goutte d’eau ».

« Bon, Michaël, tu m’as convaincu, je veux me désidentifier. Comme je fais ? ». Je vais d’abord écrire ce que certain.e.s proposent puis je terminerai par ce que je propose comme outil, comme méthode.

Celles et ceux qui proposent quelque chose à faire ont recours à la méditation, au questionnement intérieur, au lâcher-prise, à la pleine conscience et que sais-je d’autres.

Pour celles et ceux qui proposent la méditation, c’est observer ses pensées, ses émotions, ses ressentis sans jugement. Pour le questionnement intérieur, c’est se poser la question : « Qui suis-je ? ». Il paraît que cette question aide à démasquer les « fausses » identifications. Pour ma part, il n’y a pas de « vraies » ou de « fausses » identifications. Pour le lâcher-prise, c’est cultiver l’art de laisser aller les attachements, les peurs, les besoins, les désirs, en acceptant que tout dans la vie est impermanent. Pour la pleine conscience, c’est rester ancré dans l’instant présent, pour aider à dissiper les illusions créées par l’ego.

Avant d’expliciter ce que je propose, je vais prendre une métaphore que j’ai déjà utilisé d’une autre façon dans d’autres textes. J’image un acteur jouant un rôle sur scène. L’acteur s’identifie parfois tellement au rôle qu’il oublie qu’il n’est pas réellement ce personnage. Pourtant, à tout moment, il peut revenir à lui-même et se rappeler qu’il est l’acteur et non le rôle.

Ainsi, la « Désidentification du Personnage » est semblable. Elle consiste à réaliser que le « moi » que je joue dans la vie est un rôle, une construction temporaire, que ma véritable nature est bien plus vaste, libre, intemporelle.

En somme, la « Désidentification du Personnage » est un retour à l’Essence véritable, au-delà des masques que je porte dans la Vie. C’est une invitation à expérimenter la Vie à partir de ce qui est Illimité en Moi.

« Dis Michaël, n’avais-tu pas dit que tu proposais aussi quelque chose ? ». « Oups ! Désolé, Pardon, Merci ». Ce que je propose, c’est Rien. C’est ne Rien faire, simplement, se laisser traverser par la Vie.

(fin)

(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20250124-2))
(Illustration : Flux (Pro) suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Sailor Free – 2016 – Spiritual Revolution, Pt. 2)

1️⃣ :  voir, notamment, pour les plus récents, les textes « Babouillec », « Le Lien éternel », « La Déconstruction de l’ego Spirituel », « Dépression Spirituelle – Des Pressions Spirituelles », « Tat Tvam Asi » ;

2️⃣ :  voir le texte « Niveaux de Conscience » pour les 4 « premiers Niveaux de Conscience » et « La Page Blanche » pour le cinquième Niveau de Conscience (« Supraconscience ») ;

3️⃣ :  Ernst Mach, né le 18 février 1838 à Chirlitz-Turas près de Brünn dans l’empire d’Autriche et mort le 19 février 1916 à Vaterstetten en royaume de Bavière, est un physicien et épistémologue autrichien. Il est connu pour sa contribution à la philosophie de la science et à la physique des ondes (merci Wikipedia) ;

4️⃣ :  « Altérité » vient du latin « alteritas », dérivé de « alter » signifiant « autre ».

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