Amanuensis
Je ne vais pas me cacher plus longtemps car j’ai un aveu à faire. En écrivant ce que va suivre, je me mets à nu. Une nudité qui n’est pas physique. Elle est, comment dire, plus spirituelle. C’est un peu comme si je dévoilais mon Âme aux yeux de toutes et de tous.
Ainsi, il m’arrive souvent de me retrouver nu devant mon propre mystère de la Vie. Des fragments épars qui, à première vue, semblent déconnectés. Des chemins qui s’entrelacent, des signes parfois limpides, parfois obscurs, attendant d’être « déchiffrés ». Ces « énigmes » me parlent, elles m’appellent, pourtant elles ne se livrent, jamais, entièrement. Quelque part, elles me défient. Alors, j’accepte le challenge qu’elles me proposent.
Ainsi, je commence toujours par ce qui me semble accessible, par ce qui fait écho immédiatement en moi. Ce premier pas, bien qu’hésitant, ouvre une voie. C’est une porte entrouverte vers un monde que je pressens sans que je ne puisse, encore, l’embrasser dans sa totalité, dans son intégralité. Une fois que j’ai posé ce premier repère, ce premier jalon, tout se réorganise autour de lui. Chaque fragment trouve une nouvelle lumière, chaque mystère se teinte d’un éclat prometteur.
Bien que ceci semble simple, je constate que l’illusion de la facilité est éphémère. Rapidement, je bute contre l’impénétrable, ce mur invisible. Des zones d’ombre surgissent, des impasses, des espaces où rien ne semble correspondre. C’est ici que je ressens la tentation de forcer, de vouloir imposer une solution. Pourtant, je sais qu’insister n’est pas la clé. Il est nécessaire que j’accepte le silence, l’incertitude et m’autoriser à ne rien faire.
Alors, je m’éloigne. J’abandonne cette conquête, du moins en apparence. Ce geste d’abandon n’est pas une capitulation, c’est une offrande au Temps. Car je sais qu’il y a, dans l’attente, une sagesse que je ne peux ignorer. Lao Tseu, que j’ai déjà cité dans d’autres textes, dit dans le livre « Tao Tö King » : « La nature fait les choses sans se presser, et pourtant tout est accompli ». Dans cette pause, dans ce recul, je me reconnecte à un flux invisible où les réponses naissent sans effort conscient.
Il m’est souvent arrivé de découvrir des vérités dans les moments où je m’y attendais le moins. Une idée surgit comme un éclair, une solution se forme dans l’ombre de ma conscience. Ces instants sont des miracles, des éclats de Lumière qui dissipent le brouillard 1️⃣. Ils ne naissent jamais de l’urgence, de la pression, de l’empressement. Ils sont le fruit d’une collaboration subtile entre mon esprit conscient et cette part de moi qui échappe à toute logique.
Ces énigmes que je cherche à résoudre ne sont jamais des obstacles. Elles sont des miroirs. Elles reflètent mes forces et mes fragilités, mes certitudes et mes doutes. Parfois, je pense avoir trouvé une réponse, pourtant, avec le recul, je m’aperçois qu’elle était « erronée ». Je ne ressens pas un échec dans cette « erreur ». Elle est une étape, un ajustement nécessaire, un pas vers une compréhension, une acceptation.
Il y a quelque chose de profondément humain dans cette conquête. Elle m’enseigne la patience, l’humilité, l’art du discernement. Elle m’apprend que la vérité n’est jamais immédiate, qu’elle se construit lentement comme un artisan qui façonne une œuvre pièce par pièce. Et même lorsque la réponse semble claire, il reste toujours une part de mystère, un écho qui invite à aller plus loin.
La vie elle-même est un vaste puzzle. Chaque instant, chaque choix est une pièce à placer dans un ensemble dont je ne vois jamais l’intégralité. Parfois, tout semble s’aligner parfaitement et un sentiment d’harmonie m’envahit. D’autres fois, rien ne s’emboîte et je dois apprendre à vivre avec ces vides, ces fragments incomplets qui me rappellent que Tout ne m’est pas encore révélé.
Ces moments de vide, ces zones d’ombre, ne sont pas des « échecs ». Ils sont des invitations à ralentir, à contempler, à accepter que je ne peux pas tout contrôler. Dans « Lettre à un jeune poète », Rainer Maria Rilke écrivait : « Votre entendement restera peut-être en arrière, étonné : mais votre conscience la plus profonde s’éveillera et saura. Vous êtes si jeune, si neuf devant les choses, que je voudrais vous prier, autant que je sais le faire, d’être patient en face de tout ce qui n’est pas résolu dans votre cœur. Efforcez-vous d’aimer vos questions elles-mêmes, chacune comme une pièce qui vous serait fermée, comme un livre écrit dans une langue étrangère. Ne cherchez pas pour le moment des réponses qui ne peuvent vous être apportées, parce que vous ne sauriez pas les mettre en pratique, les ‘vivre’. Et il s’agit précisément de tout vivre. Ne vivez pour l’instant que vos questions. Peut-être, simplement en les vivant, finirez-vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses. Il se peut que vous portiez en vous le don de former, le don de créer, mode de vie particulièrement heureux et pur. Poursuivez en ce sens, mais, surtout, confiez-vous à ce qui vient. Quand ce qui vient sort d’un appel de votre être, d’une indigence quelconque, prenez-le à votre compte, ne le haïssez pas. Les voies de la chair sont difficiles, certes. Mais c’est du difficile que nous devons porter. Presque tout ce qui est grave est difficile ; et tout est grave. Si seulement vous parvenez à le reconnaître, si vous arrivez par vous-même, par vos dons à vous, par votre nature, par votre expérience à vous depuis votre enfance, par votre puissance propre, à créer un rapport entre vous et la chair, qui soit bien à vous et dégagé de toute convention, de toute mode, – alors vous ne devez plus craindre de vous perdre et d’être indigne de votre bien le plus précieux ».
Ces mots, que je viens de découvrir, à l’écriture de ce texte, résonnent en moi. Il y a toujours un équilibre fragile entre l’effort et l’abandon, entre la recherche active et l’accueil passif. C’est dans cet espace intermédiaire, dans ce flux, entre le faire et le laisser Être, que la magie opère. Je suis, à la fois, le chercheur et le témoin, à la fois, l’artisan et le spectateur d’une œuvre qui se crée en moi et par moi.
Lorsque je trouve enfin une réponse, il y a une joie profonde. Elle n’est pas définitive car chaque réponse ouvre une nouvelle question, chaque solution dévoile une autre énigme. Ce cycle est infini et c’est précisément ce qui le rend merveilleux. Je ne cherche pas une fin, je cherche un cheminement, un mouvement continu vers une vérité qui m’échappe toujours un peu.
Alors, je reviens à mon Ouvrage. Pas pour le dominer, simplement pour dialoguer avec lui. Je prends chaque fragment, je l’observe, je l’interroge. Et peu à peu, les pièces s’assemblent. Ce n’est jamais un processus linéaire. Il y a des détours, des retours en arrière, des moments où tout semble s’effondrer. Cependant, à travers ces chaos apparents, une forme émerge.
Et puis, il y a cet instant final, où tout s’imbrique. Ce moment où l’ensemble prend sens, où chaque détail trouve sa place. C’est une expérience de complétude, de plénitude, qui ne dure qu’un instant et, en même temps, qui laisse une empreinte durable en moi.
C’est à ce moment-là que je réalise que toute cette conquête, tout ce cheminement, n’était pas simplement un jeu, un passe-temps. C’était une leçon de vie, une méditation sur le sens, sur l’effort, sur l’attente. Ces cases que je remplissais, ces définitions que je cherchais, ces réponses que je trouvais, que je corrigeais, tout ceci n’était qu’un reflet de mon propre voyage intérieur.
Car, en vérité, je n’étais pas simplement en train de résoudre une grille de mots fléchés. J’étais en train d’explorer ce que signifie Vivre, Chercher et Trouver.
(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20250119-1))
(Illustration : Flux (Pro) suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : The Legendary Pink Dots – 2025 – So Lonely in Heaven)
P.S. : « Amanuensis » => « Serviteur de la main » => « Serviteur des Écrits ».
1️⃣ : voir le texte « Dans la Brume ».

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