L’Écho des Âmes Inachevées

Le terme « inachevé » semble inapproprié car j’écris souvent que l’Âme est, par essence, intacte, lumineuse, immuable, éternelle 1️⃣. Dans un ancien texte 2️⃣, j’écrivais que l’Âme ne désire rien, qu’elle n’a aucune attente, qu’elle est immortelle, qu’elle vit dans le présent, dans l’ici et maintenant, qu’elle n’a pas peur. Alors, pourquoi est-ce que j’écris qu’elle puisse être « inachevée » ?  Est-ce contradictoire par rapport à tout ce que j’ai déjà écrit ? Est-ce un paradoxe ?

En cet instant, je me tiens sur le fil ténu qui sépare ce qui a été de ce qui sera. Ce moment, si fragile, si intense, semble suspendu dans une éternité où chacune de mes pensées, chaque souvenir, chaque aspiration non accomplie résonne avec une urgence étrange. Il y a, en moi, un murmure, un élan, un fragment d’éternité qui refuse de s’éteindre.

Je ne sais pas si je suis ici pour continuer une œuvre commencée ou si mon passage n’est qu’une boucle parmi d’autres dans un voyage sans fin. Cependant, ce dont je suis certain, c’est que tout ce qui reste inachevé me suit. Je ne le perçois pas comme un fardeau, c’est plutôt une sorte d’appel.

Pourtant, je me pose quand même une question. Puisque je pouvais ascensionner 3️⃣ et ne plus revenir sur ce plan, pourquoi ai-je accepté de revenir alors que, quelque part, j’avais achevé un cycle d’incarnations sur ce plan terrestre ? Je connais la réponse qui m’a été donnée, c’est pour aider, pour accompagner. Alors, se pose une autre question, est-ce que je recommence un nouveau cycle ? Je n’ai pas la réponse.

Je sais que, dans chaque vie, il y a un entrelacement d’actes inachevés. Une pensée qui n’a pas trouvé ses mots, une main tendue qui n’a pas touché l’autre, un pardon retenu dans l’étau de l’orgueil. Ces moments-là ne s’évanouissent pas comme par enchantement, même si, parfois, j’apprécierai que ce soit ainsi. Est-ce que ces moments se logent, quelque part, dans un recoin de l’Âme, dans une livre de consignations, à la rubrique des « objets » perdus, attendant leur heure pour rejaillir. Et il m’apparaît que cette pulsation, ce rappel incessant, est l’empreinte même de la vie, la vibration qui la fait avancer.

Je me remémore, d’une autre façon, que l’existence est une toile infinie, que chaque fil est tendu par une intention, que chaque croisement est marqué par une action ou une absence d’action. Ce que je n’ai pas achevé demeure, non pour me hanter, uniquement pour me guider. Ces fils interrompus tissent un pont entre mes vies, un chemin invisible qui relie les fragments de mon Être Universel. C’est ce que Annick de Souzenelle 4️⃣ disait en parlant de l’Accompli et de l’Inaccompli 5️⃣.

Je repense à des moments où l’inachevé a parlé plus fort que tout. Ces livres que je n’ai jamais publiés, ces mots d’Amour que je n’ai jamais osé dire, cette cause à laquelle je n’ai pas su m’engager pleinement, peut-être même une vie que j’ai écourtée. Je ne les vois pas comme un regret amer. Je les vois, plutôt, comme une graine, une impulsion. Ces fragments, laissés à mi-chemin, sont comme des étoiles éteintes dont la lumière continue de voyager. Elles éclairent les contours de mes prochaines vies, dessinant ce que je choisirai encore d’explorer, de comprendre, d’accepter voire de transcender.

Est-ce que je suis prisonnier de cet inachevé ? Chaque cycle d’existence, chaque retour, porte en lui un potentiel de création, une chance d’approcher un peu plus l’essence de ce que je suis, de ce que nous sommes, à savoir, des Âmes en quête de complétude.

Si je regarde au-delà des voiles de cette vie (Judicaël me disait que c’était une gaze), j’imagine que l’Âme choisit ces inachèvements. Elle les choisit comme un sculpteur choisit un bloc de marbre.  Le bloc de marbre est initialement brut comme s’il était en attente de perfection. L’Âme attend patiemment la révélation de la sculpture.

En fait, la réincarnation n’est pas un retour, c’est une opportunité. Non pas pour corriger des « erreurs », des « fautes », c’est pour donner forme à ce qui n’a pu l’être. Une vie est si courte. Que pourrait-il en être autrement ? N’est-il pas naturel que ce qui reste inachevé devienne un pont vers l’autre rive, une voie ouverte vers la réconciliation, l’apprentissage, l’Amour ?

Dans le livre « Le Prophète » de Khalil Gibran 6️⃣, il est dit « Le travail est l’amour rendu visible ». Je n’apprécie par ce mot « travail » même si j’en comprends le contexte. Dans le texte « Pontifex », j’ai écrit que : « Je n’apprécie pas non plus les termes ‘travail spirituel’. Il en était de même avec les mots ‘entraînement spirituel’ qu’une animatrice avait utilisé dans son livre. J’en ai parlé dans le texte ‘Le dévoiement de la spiritualité’ ».

En fait, pour moi, mes vies « successives » sont les pinceaux et les couleurs de cet Amour. Peut-être que chaque incarnation est une tentative de peindre l’invisible sur la toile du monde.

En même temps, je sais que j’ai un frein, une résistance. Parfois, je sens, en moi, un doute. Un doute de ne pas savoir où tout ceci mène, un doute de me perdre dans ces cycles sans fin. En fait, ce n’est pas à moi de tout savoir. Le chemin ne se dévoile que pas à pas. Chaque étape est nourrie par l’intuition, l’intention, l’attention, la FOI.

Ce que je porte en moi, ce que nous portons toutes et tous, n’est pas un poids, c’est une Lumière. L’inachevé est une ouverture, un appel à grandir. Et à travers chaque vie, chaque rencontre, je sais que l’Univers me murmure : « Continue ! Ce que tu cherches te cherche aussi ». Rûmi l’avait bien compris en écrivant : « Si tu es à la recherche de l’Âme, tu es une Âme. Si tu es en quête d’un morceau de pain, tu es du pain. Si tu peux saisir le secret de cette subtilité, tu comprendras : ‘Chaque chose que tu recherches, c’est cela que tu es’ » 7️⃣.

Je sais que chaque vie, chaque fragment d’expérience, même les plus douloureux, a sa place 8️⃣. Chaque intention, chaque geste, chaque prière, que je pensais oubliée, s’inscrit quelque part. Peut-être dans le grand livre de l’Univers, peut-être, simplement, dans le battement d’une aile d’un papillon, dans le souffle du vent.

Je me rends compte que ce texte que j’écris, que tu lis, est lui-même une tentative d’achever quelque chose. Peut-être une pensée qui attendait d’être dite, une émotion qui cherchait une voix. Et si tu le lis, c’est que, quelque part, tes propres fragments inachevés résonnent avec les miens.

En ce moment précis, alors que mes pensées prennent forme sur cette page, je ressens une gratitude profonde. Gratitude pour tout ce qui m’a amené ici, pour toutes les vies, toutes les âmes qui ont croisé mon chemin, pour tout ce que j’ai fait et tout ce que je n’ai pas encore accompli.

Car il me semble que la perfection n’est pas dans l’achèvement, elle est dans le mouvement 9️⃣. Ce n’est pas la fin du voyage qui importe, c’est la manière dont je marche, dont je tombe, dont je me relève.

Et toi, qui lis ces mots, que portes-tu, encore, en toi ? Quels fils inachevés vibrent dans ton Être ? Peut-être que, comme moi, tu sens cet écho, ce murmure qui te pousse à avancer, à chercher, à créer. Ce n’est pas une faiblesse, c’est une force.

L’inachevé n’est pas une « faute », c’est un miracle. C’est la preuve que la Vie, dans sa sagesse infinie, ne s’arrête jamais. Elle se déploie, encore et encore, dans un mouvement incessant d’expansion et de retour.

Et si je devais laisser une trace de cette réflexion, ce serait celle-ci : « Avance. Non pas pour achever, simplement pour continuer. Ce qui reste à faire, à dire, à Aimer, est la clé du prochain pas, la Lumière du prochain chemin ».

Antoine Laurent de Lavoisier* disait : « Rien ne se perd, Rien ne se crée, Tout se transforme ».

Tout ce qui demeure en suspens porte en lui un message, celui de la Vie, de la Création, de l’Éternité. À chaque Être, à chaque Âme d’accepter ou non le message.

(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20250114-1))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Sonic Paradox – 2024 – Unbeing)

1️⃣ :  voir le texte « La Nuit Noire de l’ego » ;

2️⃣ :  voir le texte « Monsieur EGO : Le Magicien de l’Illusion, L’ÂME : Révélatrice de la dissimulation » ;

3️⃣ :  voir, notamment, les textes « Terra Nova », « Les Gardiens », « Ascension ! J’ai dit ‘Ascension !’ » ;

4️⃣ :  Annick de Souzenelle, nom de plume d’Annick du Réau de La Gaignonnière, née Meaulle le 4 novembre 1922 à Rennes et morte le 11 août 2024 à Chalonnes-sur-Loire, est une écrivaine française d’ouvrages de spiritualité (merci Wikipedia) ;

5️⃣ :  « Ex Ignorantia Ad Sapientiam, Ex Luce Ad Tenebras », « ‘Créer’ et ‘Faire’ », « Les Traces Un-Visibles », « S’Aimer pour Semer », « Dieu est le Temps », « L’Âme Temporelle » ;

6️⃣ :  Khalil Gibran, nom de plume de Gibran Khalil Gibran est un écrivain, poète et artiste visuel libano-américain d’expression arabe et anglaise, né le 6 janvier 1883 à Bcharré et mort le 10 avril 1931 à New York. Il était également considéré comme un philosophe, bien qu’il ait lui-même rejeté ce titre (merci Wikipedia) ;

7️⃣ :  voir le texte « L’Échappatoire » ;

8️⃣ :  voir le texte « ‘Tout a une place’ au lieu de ‘Tout est à sa place’ (Saint-Paul) » ;

9️⃣ :  voir le texte « Le Voyage de l’Être » ;* : Antoine Lavoisier, ci-devant de Lavoisier jusqu’en 1790, est un chimiste, philosophe et économiste français, né le 26 août 1743 à Paris et guillotiné le 8 mai 1794 dans la même ville.

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