Quelque chose a changé
(sous-titre : L’Art de Ralentir)
J’ai commencé l’écriture de ce texte, le jour précédent sa finalisation. Ainsi, ce jour d’avant, j’ai vu un extrait d’un film. Cet extrait est souvent présenté comme « la tirade du con ». Il est présent dans le téléfilm « Quelque chose a changé » 1️⃣. Je vous invite à la (re)voir car le « hasard » a fait que, sans le savoir, c’est le thème du présent texte. Et comme quelque a changé chez moi, j’ai changé le titre de ce texte qui en est maintenant le sous-titre.
Ainsi, alors que je n’avais pas fini l’écriture de ce texte que j’avais intitulé « L’Art de Ralentir », j’ai revu le téléfilm précité. Ce téléfilm est, justement, une ode « au ralentir ».
Le téléfilm met en lumière l’idée qu’il n’est jamais trop tard pour se réinventer. Les personnages, chacun à sa manière, sont confrontés à des événements, des révélations qui les poussent à réévaluer leur existence. Le changement personnel, souvent perçu comme difficile voire effrayant, est présenté ici comme une opportunité de renouer avec son véritable soi. Donc, j’apprécie ce point de vue.
Il aborde, avec subtilité, l’idée que la vie est un flux constant d’événements imprévus. Il invite à lâcher prise, à accueillir ces surprises comme des cadeaux même si elles bouleversent au départ. C’est une approche presque méditative, qui fait tinter, en moi, la petite clochette de l’instant présent, de l’acceptation. Sans oublier, les paysages calmes, les décors intimistes qui renforcent l’atmosphère spirituelle comme lors d’une retraire. Ils rappellent la beauté de la simplicité , la nécessité de se reconnecter à ce qui est essentiel comme la nature, les autres et aussi à une paix intérieure trop souvent négligée dans la vie dite « moderne ».
Ce téléfilm me rappelle la notion de « slow-motion », en français, « ralenti ». Au cinéma, à la télévision, le ralenti est un effet spécial réalisé lors de la prise de vues, parfois en léger différé, consistant à filmer un sujet en accélérant la cadence de prise de vues pour que le mouvement du sujet soit ralenti à la projection. Une projection « standard » est fixée à 24 images par seconde. Pour ralentir le mouvement par deux, il est nécessaire que la caméra filme à 48 images par seconde. Plus le mouvement qui est souhaité soit lent d’un facteur « x », il est nécessaire que la caméra filme à l’inverse de ce facteur « x ». Ainsi, pour un effet trois fois plus lent, il est nécessaire de filmer au triple de la projection standard et ainsi de suite.
Je mets, cette introduction, en parallèle avec le « slow-movement » 2️⃣ (« slow-life »). C’est une façon de vivre où je décide de ralentir, de prendre le temps de savourer chaque moment plutôt que de me laisser emporter par le stress, la vitesse de la vie moderne. C’est comme si je disais « stop » à la course effrénée pour profiter davantage de ce qui compte vraiment comme ma santé, mes relations, la nature, les plaisirs simples.
Concrètement, cela veut dire que je choisis de faire les choses avec plus de conscience, plus de qualité, plus de partage. Des exemples simples comme le fait de cuisiner avec des produits frais, locaux au lieu de me précipiter vers des plats tout faits. Comme le fait de privilégier des activités qui me nourrissent intérieurement comme lire un livre, marcher en pleine nature, méditer au lieu de surcharger mon agenda. Comme le fait de prendre le temps de parler, d’écouter les autres, sans me presser, pour renforcer mes liens avec eux.
Le « slow-movement » ne veut pas dire que je deviens paresseux, que je laisse tout traîner. Cela signifie plutôt que je choisis de faire moins tout en faisant mieux. Je donne plus de valeur à ce que je fais, je m’autorise à respirer, à me reconnecter à moi-même, au monde qui m’entoure. C’est un choix de vie qui m’aide à me sentir plus apaisé, plus aligné avec mes valeurs et, surtout, moins stressé par le rythme imposé par la société.
Je ressens cette tension que je peux faire davantage en avançant moins. Chaque jour, la société veut imposer d’atteindre des sommets de productivité, de tisser des liens plus solides, de construire une vie pleine de sens. Pourtant, je remarque souvent qu’en multipliant les efforts, je m’épuise. Ainsi, ce que je poursuis m’échappe davantage. La vie elle-même, dans son essence, semble répondre à une cadence différente de celle que je m’efforce d’imposer. Ainsi, avancer ne se résume pas à faire plus, plutôt à Être Plus, à Être Autrement.
Pourquoi est-ce que la société éprouve ce besoin insatiable d’accélérer ? Est-ce l’illusion du contrôle ? Est-ce la peur de ne pas suffire ? C’est à l’image d’un artisan pressé qui se dit qu’il lui est nécessaire d’avoir plus de mains pour réaliser son œuvre. En même temps, même s’il y a plus de mains lui permettant de tisser la toile de son œuvre plus rapidement, il oublie que les fils risquent de s’emmêler. Ainsi, plus je veux aller vite, plus je me perds. Et c’est ici, dans cette perte, que je découvre qu’il n’y a pas de raccourci pour atteindre ce qui a du sens.
Lao Tseu, que j’ai déjà cité dans d’autres textes, dit dans le livre « Tao Tö King » : « La nature fait les choses sans se presser, et pourtant tout est accompli ». Comme le fleuve qui creuse son lit, je réalise que ce n’est pas en forçant mon chemin que je trouverai ma place. Je le trouverai en épousant le cours naturel des choses. Ainsi, peut-être que ralentir, voire même cesser de chercher à diriger tout, est la clé pour embrasser une vie pleine, totale, entière.
Je sais que ce n’est pas simple. Mes pensées me tirent dans mille directions, me murmurant que tout repose sur moi, que le temps m’est compté, que je dois faire plus, encore plus. Et pourtant, lorsque je m’arrête, lorsque je suspends, un instant, cette frénésie mentale, un calme naît au plus profond de moi. C’est comme si mon Âme, enfin libérée du tumulte, pouvait respirer, me rappeler ce qui importe vraiment.
Il y a, d’une certaine manière, une dualité entre le faire et l’Être. Je vois autour de moi tant d’efforts pour accomplir, bâtir, posséder, engranger. Moi-même, je suis, parfois, pris dans cette dynamique. Pourtant plus j’y réfléchis, plus je me demande si tout ceci n’est pas une fuite. Le faire me distrait. Il me donne l’illusion que je progresse, que je maîtrise.
Pour l’Être, il y a cette phrase de Martin Heidegger 3️⃣ qui dit : « L’Homme est un berger de l’Être ». Que veut-il dire ? Il dit que ma vocation première n’est pas de produire, de construire. Elle est de prendre soin de mon essence, de ce qui est déjà ici ? Je sais, comme je l’ai déjà écrit, que ce soin nécessite, pour certain.e.s, d’avoir le courage de s’asseoir dans le silence, d’affronter les questions que l’activité constante masque.
Je sais que l’Univers fonctionne suivant des principes d’harmonie, d’équilibre et nullement sur la surenchère. Si je surcharge un système, qu’il s’agisse d’un projet, d’une relation, même de ma propre vie intérieure, je provoque des freins, blocages, des résistances. Par contre, si je respecte les rythmes naturels, tout semble trouver sa place. Peut-être que le secret réside dans l’acceptation : « Accepter que tout ne peut pas être accéléré, que certaines choses demandent simplement du temps pour mûrir ».
Ce secret se trouve, à tout moment, dans la nature. Le bambou, par exemple, passe des années à fortifier ses racines avant de jaillir soudainement vers le ciel. Si je m’impatiente devant sa croissance lente, je manque de voir ce qui est solide, ce qui dure, ce qui demande du temps, ce qui requiert de la patience. Peut-être devrais-je apprendre, du bambou, à respecter mes propres cycles de croissance au lieu de chercher constamment des raccourcis.
Pourtant, même avec cette prise de conscience, je ressens une tension. Le monde moderne valorise la vitesse, la productivité, le rendement. Comment puis-je, en tant qu’individu, m’affranchir de cette pression constante pour me reconnecter à des valeurs plus profondes ? Peut-être est-ce ceci un autre paradoxe qui est de celui de vivre pleinement dans ce monde sans lui appartenir entièrement, d’être dans son rythme sans perdre le mien.
Ralentir n’est pas un acte de passivité, c’est, d’une certaine façon, un acte de résistance. Refuser de céder à l’urgence constante, c’est affirmer que ma Vie a une valeur intrinsèque, au-delà de ce que je produis, que j’accomplis. C’est reconnaître que je suis déjà entier, totalement complet, que je n’ai pas besoin de me perdre dans le faire pour prouver mon Existence.
Et alors, dans cet espace de calme que je commence à cultiver, je sais que tout ce que je cherche à l’extérieur comme la paix, la joie, la réalisation, existe déjà en moi. Cependant, pour le voir, il est nécessaire de cesser de courir. C’est peut-être ceci, au fond, le véritable voyage spirituel : « Un retour vers soi, un dépouillement des illusions m’éloignant de mon Essence ».
Comme je l’ai déjà écrit, je ne prétends pas avoir toutes les réponses. Je trébuche encore, souvent, pris dans le tumulte du monde et du tintinnabule 4️⃣ de mes propres attentes. La vie ne se mesure pas en termes de vitesse, d’efficacité uniquement en termes de présence.
Alors, je marche. Pas à pas, j’embrasse le paradoxe d’honorer à la fois le désir d’avancer et la nécessité de m’arrêter. Je n’ai pas de destination claire, je n’en ai pas besoin. Le simple fait d’être pleinement ici, dans cet instant, est déjà une destination en soi.
(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20250111-2))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Pink Floyd – 1994 – The Division Bell)
1️⃣ : « Quelque chose a changé » est un téléfilm franco-belge écrit et réalisé par Jacques Santamaria en 2017 ;
2️⃣ : Le mouvement « doux » (« slow movement » appelé aussi « slow attitude ») prône une transition culturelle vers le ralentissement de notre rythme de vie, l’adoucissement des pressions modernes et l’appréciation des choses simples. Il s’oppose à un nombre de tendances qu’a vues naître le XXe siècle telles que la restauration rapide (et donc la malbouffe), le tourisme de masse, l’hyperconnexion, la consommation démesurée… Le mouvement embrasse un nombre de priorités au-delà de son sens de base, notamment l’amoindrissement de notre impact sur l’environnement et la simplicité dans un monde de plus en plus complexe (merci Wikipedia) ;
3️⃣ : Martin Heidegger , né le 26 septembre 1889 à Messkirch et mort le 26 mai 1976 à Fribourg-en-Brisgau, est un philosophe allemand (merci Wikipedia) ;
4️⃣ : « Je Tintinnabule, Tu Tintinnabule, Il Tintinnabule, Nous … (sous-titre : De ma Simplicité) » ;

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