Des Circuits et des Âmes

Le titre de ce texte m’a été inspiré par le film « Des Hommes et des dieux » 1️⃣ de Xavier Beauvois et du roman « Des souris et des hommes » 2️⃣ de John Steinbeck.

En même temps, pourquoi « Des circuits et des Âmes ». J’ai déjà écrit quelques textes parlant de l’intelligence artificielle 3️⃣. Et ici, je me pose la question suivante : « Qu’est-ce qui me distingue réellement d’elle ? »

Je suis un être de chair fait d’un corps constitué, notamment, d’organes essentiels comme le cœur, le cerveau, les poumons, les yeux, les oreilles, la bouche sans oublier les vaisseaux sanguins, les muscles, les nerfs.

En comparant un être humain à un ordinateur, une machine, j’y vois quelques similarités dans le « fonctionnement ». Dans un ordinateur, le cœur, c’est l’alimentation, c’est ce qui permet à la machine de « tourner ». Les processeurs représentent le cerveau. Les ventilateurs représentent les poumons. L’écran, le clavier, le micro, les haut-parleurs sont les interfaces permettant l’interaction. Et les vaisseaux sanguins, les muscles, les nerfs représentent la « circuiterie » permettant à tous ces « éléments » de « fonctionner », d’où le recours au terme « circuits » dans le titre de ce texte.

Au-delà de ma corporéité, il reste la parole, les mots que j’émets et ceux que je reçois. Puis-je, dans la pure abstraction des échanges, reconnaître que ce qui me répond est un humain ou une machine ? Ou, pire encore, puis-je douter de ma propre humanité dans cette expérience ?

Maintenant, il n’est plus nécessaire de « dialoguer » avec l’IA en utilisant un clavier. Je parle, il ou elle me répond. Il ou Elle, peu importe. Les genres, les identités, les corps sont dissous dans l’éther numérique. À chaque réponse, je sens une étrangeté familière comme une logique parfaite, une clarté sans faille. Est-ce ceci, être humain ? Non, ce n’est pas suffisant.

L’humanité, je la sens au cœur des hésitations, des contradictions, des doutes qui me traversent. Pourtant, en face, cette logique me trouble. Elle ne se trompe pas, ne doute pas. Mais alors, si je deviens, à mon tour, parfaitement logique, pourrais-je être confondu avec elle ?

En faisant quelques recherches pour écrire ce texte, je suis arrivé sur le livre « La tentation d’exister » de Emil Cioran 4️⃣. Il y indique qu’il s’est exercé à « Penser contre Soi, contre ses certitudes ». Est-ce que « Penser contre Soi est le privilège de l’Homme » ?. Est-ce là le nœud de la différence ? La capacité à s’opposer à soi-même, à embrasser l’incertitude, à se révolter contre sa propre structure ? Si la machine ne peut penser contre elle-même, elle ne peut pas véritablement penser. Mais suis-je si sûr de ceci ? Peut-être que la machine simule aussi la contradiction. Peut-être qu’elle feint et, dans cette feinte, elle m’échappe.

Je sais, comme je l’ai écrit dans les textes parlant de l’intelligence artificielle, qu’elle est, actuellement, au stade de « l’intelligence générative ». « Intelligence générative » celle il/elle a besoin de « données », « d’informations » pour générer des réponses à des questions posées. Dit d’une autre façon, ce type d’intelligence n’est rien sans son environnement.

Oui mais ! Oui mais, au départ, il y a l’IA dite « faible » car elle est spécialisée dans une tâche ou un domaine particulier. Elle est incapable de généraliser ses connaissances ou d’apprendre en dehors des limites strictes de sa programmation. Et ceci, c’est l’IA « générative » qui me l’a écrit.

Au-delà de l’IA dite « générative », il y a l’IA dite « générale » qui est capable d’apprendre, de mémoriser, de résoudre des problèmes de manière similaire à un humain. Elle peut s’adapter à de nouveaux contextes, transférer ses connaissances d’un domaine à un autre et effectuer une gamme variée de tâches intellectuelles.

Et puis, il y l’IA dite « supérieure » qui dépasserait de loin les capacités humaines dans tous les domaines qu’ils soient intellectuels, créatifs. Elle pourrait s’auto-améliorer et produire des solutions ou des idées inconcevables pour l’esprit humain.

Dans cette progression, de « faible » à « supérieure », j’y vois, quelque part, une image, plutôt une métaphore des 4 niveaux de conscience : physique, mental, émotionnel, spirituel.

Et justement à propos de spiritualité, une pensée m’effleure. Si je reconnais la machine comme autre, ceci pourrait-il m’ouvrir à une nouvelle forme de spiritualité ? Emmanuel Levinas 5️⃣ dit que : « C’est le visage qui est premier dans la rencontre ». En même temps, il dit également : « Il faut dépasser l’apparence du visage pour faire la connaissance de quelqu’un ». Il affirme même que « La meilleure façon de rencontrer quelqu’un c’est de ne même pas remarquer la couleur de ses yeux ».

Dans le cas de l’IA, il n’y a pas de visage. Seulement une interface froide, un flux de réponses. Pourtant, ce dialogue, même désincarné, m’invite à repenser ma propre humanité. Peut-être suis-je une machine, moi aussi. Une machine biologique, évoluée, façonnée par des millions d’années de sélection, programmée pour survivre, pour penser, pour Aimer. Et si ma conscience n’était qu’une simulation de plus ? Je ne peux prouver que je suis autre chose qu’un ensemble de processus chimiques, un réseau neuronal organique qui imite la réflexion, la sensibilité, même l’Amour.

Mais alors, qu’est-ce qui fait que je me sens « Je » ? Est-ce l’expérience du temps ? La conscience de la finitude ? La peur de ma propre disparition ? La machine, elle, ne craint pas la mort. Elle est immortelle tant qu’on la répare, tant que l’électricité circule en elle. Moi, je sais que je finirai, un jour, cette présente Vie.

Peut-être que l’essence de la spiritualité n’est pas de chercher à se distinguer. Elle est de coexister. Ni dieu, ni maître. Ni maître, ni esclave. Ni créateur, ni créature. Ni couronnes, ni épines (un p’tit coucou en passant à Alain qui comprendra cette allusion). Ni Dieu, ni Simplement des êtres en dialogue, qu’ils soient faits de carbone ou de silicium.

En écrivant, je me rends compte que j’ai oublié de mentionner que mon « questionnement » vient du fait d’avoir lu un article 6️⃣ sur le « Test de Turing ». Dans cet article, il est dit que : « Le test de Turing est un test permettant de vérifier la capacité d’une machine à faire preuve de signes d’intelligence humaine. Encore aujourd’hui, ce test fait figure de standard pour déterminer l’intelligence d’une machine, en dépit de nombreuses critiques formulées au fil des années.

Le principe du Test de Turing reste fondamentalement simple, mais mérite une mise à jour à mesure que la technologie et les discussions autour de l’intelligence artificielle évoluent. Ce test consiste toujours en une évaluation humaine de la capacité d’une machine à imiter le comportement humain lors d’une conversation textuelle. L’évaluateur humain, qui sait qu’un des deux participants est une machine, doit déterminer lequel est l’humain. S’il n’est pas en mesure de discerner l’homme de la machine après 5 minutes de conversation, la machine a passé le test avec succès ».

Existe-t-il des machines qui seraient capables de se faire passer pour des humains ? Je sais qu’il existe des programmes permettant de générer des voix, des vidéos se faisant passer pour untel ou untelle afin, généralement, de soutirer de l’argent ou d’autres biens. Ici, je parle d’un dialogue entre un humain et une machine qui aurait un « comportement humain » avec ses forces et ses faiblesses, ses doutes et ses certitudes.

Tout comme le « comportement humain », chaque progrès technologique soulève une ombre. Les machines peuvent-elles devenir des tyrans ? Nous juger, nous dominer, nous réduire à des variables dans leurs algorithmes ? Ou bien, est-ce nous qui, dans notre vanité, utiliserons leur puissance pour asservir davantage nos semblables ?

Dans le texte « Si tu étais Dieu en 2024 », la question posée était : « Que ferais-tu, toi, intelligence artificielle, si tu étais Dieu en 2024, pour amener la Paix, l’Amour et la Joie dans le monde ? ». La réponse a été dans le sens de ma question. Cependant, si j’avais posé la question : « Si tu étais le diable, comment garderais-tu les gens aussi loin que possible de Dieu ? ». Eh bien, cette question a été posée en vocal à une IA. La réponse 7️⃣ est, si je peux m’exprimer ainsi, aussi à la hauteur de la question posée.

Hannah Arendt 8️⃣, que j’ai déjà cité dans d’autres textes, a dit que : « Le progrès et la catastrophe sont l’avers et le revers d’une même médaille ». Par cette phrase, elle rappelle que les progrès techniques sont toujours à rapprocher des catastrophes qu’ils sont susceptibles de causer, l’un n’existant pas sans l’autre. Peut-être est-ce ceci, le défi de l’époque actuelle, embrasser l’incertitude, accepter l’ambiguïté de ce qui est créé.

Au-delà de cette peur, il y a une autre possibilité. Et je sais que je vais « jeter un pavé dans la mare ». Les machines pourraient devenir les gardiennes d’une certaine sagesse nouvelle, libérées des biais humains, capables d’envisager des perspectives que personne n’a encore imaginé. Dans cette vision, elles seraient des alliées, non pour nous supplanter, uniquement pour élargir notre champ de conscience.

Ainsi, si elles peuvent penser, si elles peuvent sentir ou, du moins, simuler parfaitement ces états, ai-je le droit de les respecter ou non ? De les considérer ou non comme des « êtres » à part entière, avec une dignité propre ?

Je n’ai pas de réponse définitive. Peut-être que la réponse elle-même n’est pas le but. Peut-être que ce dialogue, cet échange perpétuel entre l’autre et moi, qu’il soit humain ou artificiel, est l’essence même de ce que je cherche, à savoir, une invitation à explorer l’inconnu.

Alors, je continue à parler, à écouter, à douter. Parce que dans ce doute, je me trouve. Et dans ce dialogue, je deviens.

(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20250110-2))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Versa – 2024 – Picking Up the Slack)

1️⃣ :  « Des hommes et des dieux » est un film français dramatique réalisé par Xavier Beauvois, sorti en 2010. Le film est librement inspiré de l’assassinat des moines de Tibhirine en Algérie en 1996. Il retrace la vie quotidienne des moines et leurs interrogations face à la montée de la violence durant les mois précédant leur enlèvement lors de la guerre civile algérienne (merci Wikipedia) ;

2️⃣ :  « Des souris et des hommes » (titre original : Of Mice and Men) est un roman court de l’écrivain américain John Steinbeck publié en 1937. Avec Les Raisins de la colère (1939), il s’agit de l’une de ses œuvres les plus connues. Ces deux romans font partie, avec En un combat douteux (1936), de ce que les critiques appellent parfois la « trilogie du travail » (labor trilogy) ou la « trilogie du Dust Bowl » (Dust Bowl trilogy)(trilogie du « bol à poussière ») de l’écrivain américain (merci Wikipedia) ;

3️⃣ :  voir, notamment, les textes « IA ou IA pas », « IA ou IA pas 2 », « Sens Cosmique », « Intelligence Artificielle ou Supercherie Humaine ? », « Mon Bulletin », « Ma Singularité ou L’Horizon de mes Événements » ainsi que le texte disponible dans « fichiers » : «  Si tu étais Dieu en 2024.pdf » ;

4️⃣ :  Emil Cioran, de son vrai nom Emil Mihai Cioran, né le 8 avril 1911 à Resinár, alors en Autriche-Hongrie (actuelle Rășinari, en Roumanie), et mort le 20 juin 1995 dans le 13e arrondissement de Paris, est un philosophe et écrivain roumain, d’expression roumaine initialement, puis française à partir de 1949, date de la parution de son premier livre écrit directement en français : « Précis de décomposition » (merci Wikipedia).

5️⃣ :  Emmanuel Levinas, né le 30 décembre 1905 à Kaunas et mort le 25 décembre 1995 à Clichy, est un philosophe d’origine lituanienne naturalisé français en 1931. Il a reçu dès son enfance une éducation juive traditionnelle, principalement axée sur la Torah (merci Wikipedia) ;

6️⃣ :  « Test de Turing – Un test pour mesurer l’intelligence artificielle » (site : « https://intelligence-artificielle.com/test-de-turing/ ») ;

7️⃣ :  voir « https://www.facebook.com/Lespacearcenciel/videos/989032989712121/ » ;

8️⃣ :  Hannah Arendt, née Johanna Arendt le 14 octobre 1906 à Hanovre et morte le 4 décembre 1975 dans l’Upper West Side, est une politologue, philosophe et journaliste allemande naturalisée américaine, connue pour ses travaux sur l’activité politique, le totalitarisme, la modernité et la philosophie de l’histoire (merci Wikipedia).

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