La Nuit Noire de l’ego

Quand je découvre une citation, je fais quelques vérifications pour déterminer si, en premier, elle existe dans la formulation donnée, et, en deuxième, si l’auteur est bien le « bon » auteur. J’ai déjà constaté que beaucoup de citations sont soit « erronées », soit « mal attribuées ». Dans le premier texte que j’ai publié sur ce groupe, j’avais fait référence à la citation suivante : « La vie, ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre à danser sous la pluie ». Elle a été attribuée à Sénèque 1️⃣ alors que celui-ci ne l’a jamais prononcée, ni même écrite.

Au début, cette citation, je pensais réellement qu’elle avait été rapportée comme une citation de Sénèque. Et bien non ! En Italien, elle est attribuée à Mahatma Gandhi et, en anglais, en espagnol, elle est attribuée à l’auteure Vivian Greene 2️⃣.

Est-ce plus important de savoir qui est l’auteur.e ou est-ce le message véhiculé qui est important ? Dans le texte « Renaître à son Pouvoir Intérieur », j’écrivais « Est-ce le message ou le porteur du message (le messager) qui est important ? ». Ici, dans le contexte de ce texte, je dirai que c’est plus comme dans le texte « Entre les lignes » quand je citais Jésus déclarant : « Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Luc 20:25).

D’aucun.e.s pourraient me dire, qu’en fait, peu importe celle ou celui qui a écrit le message, c’est le message en lui-même qui est important. Oui mais ! Oui mais, j’imagine que, la même citation attribuée à Sénèque, soit maintenant attribuée à Adolf Hitler ou, plus récemment, à Bachar al-Assad voire même à Vladimir Poutine et, pourquoi pas, à Donald Trump. Aurait-elle eu le même « succès » ? J’en doute. Aurait-elle la même énergie ? J’en doute. Et justement, en fonction de « l’énergie » dégagée par le créateur du message, l’impact sera différent, bien différent.

Si Internet est une prodigieuse source d’informations, celles-ci sont parfois erronées. Il y a même souvent, et c’est dans l’air du temps, de la désinformation. Il est nécessaire de toujours garder un œil vigilant quant à la propagation de fausses informations. En d’autres termes, c’est d’appliquer son discernement.

Et justement à propos de discernement, j’en viens au propos de ce texte sur ce que d’aucun.e.s appellent « La Nuit Noire de l’Âme ». Je le dis, tout de go, je n’apprécie pas cette référence à l’Âme, comme les fameuses « blessures de l’Âme » dont j’ai déjà parlé dans différents textes 3️⃣. Pour moi, l’Âme ne peut être blessée. L’Âme, c’est la messagère entre l’Être incarné et la Conscience Supérieure. Elle ne « fait » que transporter de l’information. L’Âme n’est pas située dans mon corps. Elle n’est pas enfermée dans une sorte de temple à l’intérieur de moi dont seul moi aurait accès. En fait, elle est une sorte de lien énergétique, une connexion, une relation, aucunement un point fixe.

Ainsi, j’ai fait quelques recherches sur cette « Nuit Noire de l’Âme ». Et j’ai trouvé une multitude de sites en parlant. Voici la définition la mieux « classée » suivant un célèbre site de recherche : « La nuit noire de l’âme est une crise spirituelle qui affecte notre vécu quotidien et notre vie intérieure. Perte de motivation, d’énergie, sensation d’être perdu, déconnexion de soi et du monde, elle est une vraie épreuve. Pourtant c’est aussi une étape importante dans un parcours spirituel et porte en elle la possibilité d’une transformation authentique vers une vie plus vaste et plus ouverte ».

En allant un peu plus loin dans le classement, je lis ceci : « Ce concept, popularisé par le mystique espagnol Saint-Jean de la Croix, décrit une étape où les repères anciens disparaissent, les schémas mentaux s’effondrent, et où l’on laisse tomber les masques que l’on a pu porter. Cette expérience, bien que douloureuse, est souvent perçue comme une opportunité de transformation intérieure profonde, menant à une renaissance spirituelle et à une vie plus authentique ».

La référence à Saint-Jean de la Croix 4️⃣ me parle. Car c’est lui qui a parlé en premier, dans sa langue d’origine, du concept de « La Nuit Obscure » 5️⃣. Ainsi, vous qui lisez mes publications, vous comprenez que « les repères anciens qui disparaissent, que les schémas mentaux qui s’effondrent, que les masques qui tombent », ceci me parle bien.

En fait, ce qui est proposé par celles et ceux qui parlent de cette « Nuit » me paraît comme un dévoiement, comme un leurre. C’est un peu comme si je me tenais, sous une lune noire, sur les rives d’une mer où aucun souffle de vent ne vient troubler la surface. Puis quelqu’un me dirait : « Michaël, tu dois traverser cette mer dans l’obscurité sans savoir où tu vas aller ». Pourtant, ce n’est pas l’Âme qui traverse l’obscurité, c’est bien l’ego. L’Âme, par essence, demeure intacte, lumineuse, immuable, éternelle. Ce que je traverse alors, c’est le lent effondrement de tout ce qui obscurcissait ma Lumière Intérieure comme les illusions, les attachements, les fausses identités forgées par mon ego.

Loin d’être une nuit de l’Âme, c’est une nuit de l’ego. C’est cet ego, fragile, construit de pièces rapportées, qui vacille, s’écroule face à une vérité plus vaste, plus authentique que tout ce qu’il pouvait imaginer. Ainsi, je préfère les termes « Nuit de la FOI ». Cette nuit qui désigne une expérience passagère de « désolation » spirituelle dans l’expérience terrestre, un temps où Dieu (peu importe le nom) semble « caché » et qu’ainsi même la FOI semble vaciller.

Simone Veil 6️⃣ l’a exprimé comme suit : « C’est quand l’âme épuisée a cessé d’attendre Dieu, quand le malheur extérieur ou la sécheresse intérieure lui a fait croire que Dieu n’est pas une réalité, si néanmoins elle continue à aimer, si elle a horreur des biens qui prétendent le remplacer, c’est alors que Dieu après quelque temps vient jusqu’à elle, se montre, lui parle, la touche. C’est ce que Saint-Jean de la Croix appelle nuit obscure ». Ici, aussi, la référence à l’Âme me semble inappropriée. Cette phrase, pour moi, reste encore et toujours de l’ego.

Ainsi, pour moi, c’est bien « La Nuit Noire de l’Ego » qui est un effondrement intérieur. Ce que je croyais être des fondations solides n’étaient que des échafaudages temporaires, construits sur le sable mouvant de mes peurs, de mes doutes, de mes désirs. Tout ce que j’associais à « moi » comme mes pensées, mes blessures, s’écroule sous le poids d’une vérité plus grande.

L’ego ne possède ni lumière, ni substance propre. C’est une projection, un masque, une ombre qui croit être le Tout. Ce que je vis ici n’est pas la nuit de l’Âme. C’est la nuit d’un masque qui craque laissant entrevoir ma Véritable Lumière.

Dans cette nuit, je me découvre étranger à tout ce que je pensais être. Mon ego, qui aimait tant se définir par des rôles, des possessions, des relations, se trouve privé de tout point d’appui. À chaque instant, il tente de se raccrocher à quelque chose comme une idée, une émotion, un souvenir alors que tout lui échappe. L’ego est une « chose » créée. Certes, il est utile pour vivre le quotidien et, en même temps, il est une construction mentale, un amas d’identifications. Tant que je m’y accroche, je reste prisonnier. Lorsque je lâche prise, lorsque j’accepte d’Être hors de son exil intérieur, quelque chose de plus profond, de plus grand, de plus Divin émerge.

Lorsque l’ego se tait, une présence subtile se fait jour. Ce n’est pas une présence extérieure voire divine au sens anthropomorphique, c’est une réalité plus intime, plus introspective. Ce n’est pas quelque chose que je « trouve », c’est ce qui reste lorsque l’ego s’estompe, s’efface. Cette présence est ce que je suis réellement, en dessous de toutes les couches d’identités empruntées.

Quand l’ego repose dans son silence, l’Âme entend ce que la langue ne peut dire. Ce silence n’est pas celui de l’ego vaincu, c’est celui d’un espace que l’ego ne peut jamais atteindre. L’ego, dans sa quête frénétique d’existence, est trop bruyant pour percevoir cette subtilité. C’est seulement lorsque l’ego se met sur pause, s’éteint que la musique silencieuse peut être entendue.

Plus je tente de m’accrocher à l’ego, plus il devient oppressant. Et pourtant, en le lâchant, je ne perds rien de ce qui était véritablement moi. L’ego se débat craignant la dissolution. Ce qu’il perçoit comme une fin est, en réalité, une ouverture, un passage, un pas sage. Pour atteindre la plénitude, il est nécessaire de se vider. Ce vide que je ressens n’est pas un néant, c’est un espace purifié, libre des illusions que l’ego entretenait. Ce n’est pas un vide de désespoir, c’est un vide plein de potentiel où l’Être peut s’exprimer sans entrave.

Ce que je découvre dans cette Nuit Noire de l’ego, c’est que la vraie Lumière ne peut être atteinte tant que je m’accroche à l’illusion d’être séparé 7️⃣. L’ego, par sa nature, crée cette séparation. En disparaissant, il révèle l’Unité qui était toujours ici, attendant d’être reconnue.

Ainsi, lorsque j’ai traversé cette mer sous la lune noire, je vois le monde d’un œil nouveau. L’ego n’a pas totalement disparu, il a été (re)mis à sa juste place, comme un outil et non un maître. Il ne me contrôle plus, il me sert.

Cette Nuit Noire de l’Ego, bien que semblant terrifiante à traverser, est une bénédiction « déguisée ». Elle est une initiation à une vie plus vaste, une vie où je ne suis plus prisonnier de mes illusions. Elle m’a appris que l’ego n’est pas un ennemi à détruire, c’est une construction à comprendre, à accepter, à dépasser. Ce n’est qu’en le traversant que l’on peut atteindre cette clarté où l’Être véritable se révèle.

Ainsi, je continue de marcher, non plus dans l’obscurité de l’ego, je marche dans la Lumière, celle d’un Moi qui n’a plus besoin d’être autre chose que ce qu’il est : « Un espace ouvert à l’infini ».

(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20250102-1))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Versa – 2024 – A Voyage – A Destination Part 2)

P.S. : Je vous invite à lire le Poème de Saint-Jean de la Croix sur la « Nuit Obscure » (https://www.narthex.fr/reflexions/ecrits-mystiques/du-cantique-des-cantiques-a-la-nuit-obscure-de-jean-de-la-croix-la-structure-ii/)

1️⃣ :  Sénèque, parfois nommé Sénèque le Jeune, Sénèque le Philosophe ou Sénèque le Tragique, né vers l’an 4 av. J.-C. à Corduba et mort le 12 avril 65 ap. J.-C. à Rome, est un homme d’État romain, un philosophe et un dramaturge (merci WikiPedia) ;

2️⃣ :  Vivien Greene était un écrivain britannique considéré comme le plus grand expert mondial des maisons de poupées. Elle était l’épouse du célèbre romancier Graham Greene (merci WikiPedia anglais) ;

3️⃣ :  voir, notamment, les textes « Karma Sutra », « Le doux leurre de l’éveil », « Couple Sacré ou Sacré Couple », « Nouvel Horizon ». Les cinq « blessures de l’Âme » sont facilement mémorisées par un moyen mnémotechnique via l’acronyme T.R.A.H.I. : Trahison, Rejet, Abandon, Humiliation et Injustice ;

4️⃣ :  Juan de Yepes Álvarez, né le 24 juin 1542 à Fontiveros et mort le 14 décembre 1591 au couvent d’Úbeda, est un prêtre carme, saint mystique, souvent appelé le « Réformateur » et « Saint du Carmel ». Ses écrits mystiques, toujours populaires, font qu’il fut déclaré Docteur de l’Église en 1926 (merci WikiPedia).

5️⃣ :  La Nuit obscure (ou La noche oscura en espagnol) est un traité écrit par Jean de la Croix. Jean de la Croix cherche dans cet ouvrage à montrer l’importance de l’initiative divine dans l’ascension de l’âme à Dieu, en décrivant l’état de la nuit spirituelle. « Ce que je me suis proposé dans cet écrit, c’est d’expliquer cette nuit de la contemplation à beaucoup d’âmes qui s’y trouvaient et qui n’en avaient pas connaissance » (merci WikiPedia) ;

6️⃣ :  Simone Veil, née Simone Jacob le 13 juillet 1927 à Nice et morte le 30 juin 2017 à Paris, est une magistrate et une femme d’État française. Née dans une famille juive aux origines lorraines, elle est déportée à Auschwitz à l’âge de 16 ans, durant la Shoah, où elle perd son père, son frère et sa mère ;

7️⃣ :  Dans le texte « Le Dernier Jugement », j’avais écrit : « Dès que tu crées une séparation, dès que tu juges, dès que tu penses que tu es à côté de…, tu n’es plus unifié. Je t’ai déjà expliqué que le péché n’était pas ce que ta religion t’a dit. Péché voulait dire ‘Être à coté, être séparé’ ».

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