De la colère …
Il y a quelques mois, fin de l’année passée pour être plus précis. Je me suis retrouvé face à la colère. Ce ne m’était plus arrivé depuis plusieurs années et je me suis posé la question d’où venait cette colère. Mais avant d’aller plus loin, je vais relater les évènements qui m’ont emmené vers la colère.
C’était le dernier dimanche de l’année et notre téléphone a sonné plusieurs fois. L’abonnement à la téléphonie fixe n’est conservé que parce que mon beau-père ne sait utiliser que ce seul moyen de communication. En fin d’après-midi, ma Bienaimée décroche le téléphone et elle apprend que son père a fait trois malaises. Sa compagne, au lieu d’appeler le numéro d’urgence, a téléphoné à mon épouse. Il faut savoir que mon beau-père ne veut aller que dans un seul hôpital de la région. Son ancien médecin lui avait dit que s’il téléphonait aux urgences, il allait aller dans un autre hôpital. Qui plus est, demander une ambulance, « çà coûte des sous ». Quand mon épouse est arrivée chez la compagne de mon beau-père, elle a dû téléphoner au médecin de garde. Le médecin de garde est arrivé et a conseillé d’aller aux urgences. C’est donc mon épouse qui les a conduits dans l’hôpital « habituel » de mon beau-père. Que de temps perdu pour une histoire « sou-sou » et aussi, quelque part, de peur. Il faut savoir que mon beau-père et sa compagne sont des « radins finis ». Sa compagne n’avait même pas renouvelé sa carte prépayée car 20 € par an, c’est suffisant. Voici pour le cadre résumé, très résumé.
Après le départ de mon épouse, j’ai senti la colère monter en moi. Sur le coup, comme mon épouse avait prévu de nettoyer la maison, j’ai nettoyé la maison, fait la vaisselle et aussi quelques rangements. La colère s’est apaisée mais pas complètement partie. En fait, ce qui m’a mis en colère, c’est le non-respect de mon beau-père envers ma Bienaimée. Sa devise est : « La femme est là pour servir l’homme ». Et tout sa vie, cette devise lui a toujours été « favorable ». Il a toujours eu des femmes pour le servir. Et pour terminer sur une note d’humour cette introduction, voici quelques-unes de ses excuses : « Je ne pèle pas les pommes de terre car j’ai peur de me couper », « Je ne lave pas par terre parce que j’ai peur de me brûler mes mains », « Je ne sais pas cuisiner » et bien d’autres. Alors que c’est un manuel qui a fait plein de choses dans sa vie.
En fait, avant d’aller plus loin sur la colère, je me souviens qu’étant enfant, je faisais beaucoup, beaucoup de bêtises. J’ai écrit « bêtises » pour ne pas écrire un autre mot. Du fait de mes « bêtises », en tout cas pour celles qui devenaient connues, mon père se mettait en colère et j’étais puni à la hauteur de sa colère. Je revois encore sa moue et je savais que çà aller mal se passer pour moi. Je n’ai compris que bien plus tard le pourquoi de mes bêtises. Nous étions chez un couple d’amis et, lors de notre départ, un des enfants foncent vers moi et me frappent dans les testicules. Je lui fais une remontrance. Et ni une, ni deux, il recommence. Là, je me revois avec la tête que faisait mon père. Le papa du garçon me demande ce qu’il se passe et je lui explique la situation. Le papa s’est mis en colère et le garçon a été puni à la hauteur de ce qu’il avait fait. En fait, j’ai compris, ce jour-là, que je faisais des bêtises pour attirer l’attention de mon père. Et ainsi, une punition physique me permettait d’avoir un contact avec lui. Les hommes de son époque n’étaient pas démonstratifs dans leurs émotions, leurs sentiments sauf dans la colère. Ce garçon m’avait fait comprendre sans le savoir cette « leçon ».
Ainsi, en revenant à la situation présente, je compare la colère que j’ai eue comme quand je m’approche d’un feu. Par instinct, je tends la main pour m’en protéger par crainte qu’elle ne me consume. Pourtant, ce même feu, s’il est maîtrisé, éclaire, réchauffe, apporte de la présence. La colère est une flamme vivante, une énergie que j’ai souvent ressentie comme une ennemie. Alors qu’en fait, elle est comme une alliée certes complexe et, en même temps, une sorte de « conseillère ». Elle est à la fois ombre et lumière, une force brute qui, apprivoisée, ouvre des chemins insoupçonnés vers l’acceptation de soi et des autres.
Au fil du temps, j’ai accepté que la colère n’est pas simplement une réaction explosive à une frustration. Oui mais … Oui mais en quoi ai-je été frustré dans cette expérience ? Est-ce parce que je ne peux pas dire ce que je pense à mon beau-père et à sa compagne ? Oui mais … au moment la colère est arrivée, je n’avais pas encore toutes les informations que j’ai données. Alors d’où vient cette frustration ? Je n’ai pas la réponse.
Par contre, ce que je sais c’est que la colère est une réponse chargée de sens. Elle surgit comme un signal, un messager intérieur, venu m’alerter que quelque chose dans mon monde, en moi-même, demande mon attention. Ce n’est pas une émotion aléatoire. Elle est profondément enracinée dans mes valeurs, dans mes limites.
Quand cette colère est montée en moi, je me suis jugé en me disant : « Mais Michaël, ce n’est pas toi. Ce n’est plus toi » puis « À quoi bon te mettre en colère pour une situation dont tu n’es pas le ‘personnage’ principal ». Pourtant, au lieu de la qualifier de « négative », je l’ai pris comme une voix intérieure, comme une tentative de mon Être profond de me parler. J’ai accepté que cette montée de colère est une invitation à écouter, à décoder ce que je ressens et pourquoi je le ressens. La colère murmure souvent des vérités que ma raison seule ne peut entendre. Elle me dit : « Regarde ce qui est brisé, ce qui est ignoré, ce qui demande à être restauré ». Oui mais … qu’est-ce qui est brisé ? Qu’est-ce qui est ignoré ? Qu’est-ce qu’il y a à restaurer ? En fait, à la relecture de ce texte, ce qui est à restaurer c’est la Confiance dans la Vie. Ce qui s’est passé est ici pour une raison que ma raison ignore.
Parfois, la colère indique une injustice extérieure. Parfois, elle pointe une douleur enfouie, une blessure ancienne qui n’a pas encore cicatrisé. Dans les deux cas, elle est une opportunité de croissance, à condition de ne pas lui permettre de dicter mes actions sans réflexion. J’ai trouvé un extrait de « L’éthique à Nicomaque » d’Aristote disant : « Tout le monde peut être en colère, c’est facile. Mais être en colère avec la bonne personne, à bon escient, au bon moment, avec l’intensité qu’il convient et de la bonne façon, cela est plus difficile ». Ces mots m’interpellent et me disent la colère, si elle n’est pas acceptée, perd sa puissance créatrice. Ainsi l’énergie qui était là, je l’ai, quelque part, dissipée dans les activités que j’ai décrites dans l’introduction.
Cette énergie de la colère, je la perçois comme une force brute presque primordiale. Elle peut autant ravager qu’un ouragan et autant bâtir si elle est guidée. La colère m’a poussé à agir et il était crucial que mes actions ne soient pas aveugles. Je repense à ces moments où la colère m’a permis de m’élever sans écraser l’autre. J’ai affirmé avec clarté mes valeurs. Un jour, lors d’une réunion de services dont j’ai déjà parlé dans le texte « Sauf mon Respect ! », j’ai ressenti une profonde frustration face à l’indifférence de mon Directeur général de l’époque. Plutôt que de me laisser emporter, j’ai choisi de canaliser cette émotion pour exprimer calmement mes ressentis. Et ce fut transformateur car la colère, au lieu de devenir un mur, était devenue un pont.
Je sais aussi que la colère est un miroir. Elle révèle ce qui m’importe, ce que je ne peux tolérer. Si je m’indigne face à l’injustice, c’est parce que je suis pour l’équité. Même si je sais que l’équité « parfaite » n’existe pas. Si je ressens de la colère lorsqu’on me manque de respect, c’est parce que je porte en moi un sens aigu de la dignité humaine. Ainsi, chaque colère est une fenêtre ouverte sur mes principes fondamentaux.
Dans mes relations avec les autres, la colère joue un rôle particulier. Lorsqu’elle est bien comprise, elle peut être un outil puissant pour établir des connexions plus sincères. Si je ressens de la colère envers quelqu’un, cela m’invite souvent à examiner autant les actions de l’autre que mes propres attentes. Pourquoi cette parole ou ce comportement m’affecte-t-il autant ? Qu’est-ce que cela dit sur mes valeurs, sur mes vulnérabilités ?
En retour, j’ai appris à écouter la colère des autres comme une expression de leurs blessures, de leurs valeurs. Un jour, un proche s’est emporté contre moi de manière inattendue. Mon premier réflexe aurait été de me défendre, mais en prenant un moment pour écouter, j’ai compris qu’il exprimait en réalité un profond besoin d’être reconnu. Cette colère, loin d’être une barrière, est devenue une porte d’entrée vers une compréhension mutuelle plus profonde.
Il y a dans la colère une dimension spirituelle que je ne peux ignorer. Lorsqu’elle est vécue en pleine conscience, elle devient un chemin vers une plus grande lucidité. Elle me pousse à aller au-delà des apparences, à chercher la vérité sous les émotions superficielles. Elle m’invite à m’interroger sur mes attachements, sur mes blessures, sur la manière dont je peux les transcender.
Dans la tradition bouddhiste, il est dit que les émotions ne sont ni bonnes ni mauvaises car elles sont simplement des manifestations de l’esprit. La colère, lorsqu’elle est observée, sans jugement, peut devenir un puissant levier de transformation. Elle me rappelle que je suis vivant, sensible, connecté au monde qui m’entoure. Elle m’encourage à dépasser mes réactions automatiques pour atteindre un état de présence, de responsabilité.
Au-delà de ma vie intérieure, la colère a aussi une dimension collective. Les grandes transformations sociales ont souvent été portées par une colère partagée face, généralement, à l’injustice. Cette colère, loin d’être destructrice, a été le catalyseur de révolutions, de mouvements pour la liberté, l’égalité.
Je me suis demandé comment canaliser cette énergie collective sans qu’elle ne se perde dans le chaos ? La réponse, à mon sens, réside dans la vision, dans l’intention. Une colère éclairée, guidée par des idéaux élevés, peut devenir une force créatrice capable de bâtir un monde meilleur. Elle me rappelle que l’indignation, lorsqu’elle est portée avec sagesse est une forme d’amour. Un amour pour ce qui est juste, pour ce qui est humain, pour ce qui est possible.
La colère est un mouvement, une énergie qui ne demande qu’à être orientée. Elle n’est pas l’opposé de la paix ou de la joie. C’est une étape sur le chemin vers un équilibre plus profond. Lorsque je ressens cette flamme en moi, je ne cherche plus à l’éteindre à tout prix. Je cherche à l’écouter, à la comprendre, à la guider.
C’est un chemin aussi exigeant que riche de promesses. Ainsi, chaque fois que j’accueillerai la colère avec bienveillance, je me sens plus proche de moi-même, plus aligné avec mes valeurs et plus capable de contribuer au monde qui m’entoure. Ainsi, la colère, loin d’être une malédiction, devient une bénédiction, une force sacrée qui m’invite à évoluer et à transformer ma réalité.
(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20241229-1 & 20241231-1))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Sendelica – 2024 – Requiem for Man Kind)

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