L’Écho des Anneaux
Un titre bien étrange pour un texte dans un groupe parlant de spiritualité. C’est bien L’Écho des Anneaux et non le Seigneur des Anneaux voire même Le Silence des Agneaux.
Quand je parle de L’Écho des Anneaux, c’est dans le sens de la dendrochronologie 1️⃣. Un mot étrange presque ésotérique dans lequel je saisis qu’il y a le temps qui est en jeu. La dendrochronologie, c’est la science qui étudie les anneaux de croissance des arbres pour remonter le fil du temps. C’est comme une sorte d’archéologie végétale où chaque ligne, chaque nuance de bois raconte une histoire. L’arbre est ainsi un témoin de l’invisible, une chronique silencieuse des siècles, le temps qui passe 2️⃣.
Dans mon esprit, cette science représente un pont entre le tangible (les anneaux de l’arbre) et l’intangible (le temps), entre ce qui est mesurable et ce qui est ressenti. C’est un dialogue avec la Nature, une méditation sur le temps qui s’écoule.
Dans mes balades forestières, il m’arrive souvent de voir des troncs d’arbre. Certains ont été scié par la main de l’homme, d’autres ont été « sectionné » par les forces de la Nature. Les cernes, de ces troncs d’arbre, alternent en nuances claires et foncées, réguliers sans être monotones. Chaque arbre est unique dans sa singularité. Quelque part, ces anneaux sont la mémoire d’une vie. Chaque cercle correspond à une année de croissance. Les variations de largeur, d’épaisseur, de densité, de couleur racontent les conditions climatiques, qu’il a rencontrées, comme les sécheresses, les abondances, les hivers durs comme les doux. Je sais, ainsi, que l’arbre est un témoin discret, fidèle des cycles du monde.
En observant ces cercles, une pensée m’a traversé : « À quoi ressemblent mes propres ‘anneaux’ ? ». Je ne parle pas de marques dans mon corps. Je parle des empreintes dans mon Âme. Chaque moment de joie, de peine, chaque expérience n’est-elle pas un anneau ajouté à ma propre Existence ? Comme l’arbre, je grandis, j’évolue dans des conditions qui me façonnent, parfois dans l’abondance, parfois dans l’adversité. Il y a des années d’expansion où tout semble possible et des années de rétraction où l’effort devient survie. Ainsi, les arbres me rappellent que ma vie humaine est tout aussi cyclique, tout aussi rythmée. L’avantage que j’ai, c’est que je peux bouger, je peux partir, je peux m’échapper 3️⃣ alors que l’arbre lui reste à la même place.
Dans notre culture, le temps est souvent envisagé comme une ligne droite. Une flèche, une direction, une trajectoire allant de la naissance à la mort, toujours vers l’avant, jamais en arrière. Pourtant, en regardant ces anneaux concentriques, je ne peux m’empêcher de penser que le temps est aussi un cercle 4️⃣. Chaque année, un retour, une répétition, jamais identique. Les saisons reviennent et elles me trouvent changé. L’arbre est un miroir de cette réalité cyclique. Il s’élargit chaque année tout en restant fidèle à son centre. Peut-être est-ce là un secret que les arbres tentent de me transmettre : avancer, tout en restant ancrés, enracinés.
Héraclite 5️⃣ disait que « Tout coule » (« Panta rhei »). Par cette expression, il signifiait que rien n’est immuable, tout peut muter, tout peut être transformer. « Tout coule » implique aussi que les choses ont une source, une origine qu’il est nécessaire de « connaître » pour comprendre « d’où on coule ». L’arbre, par sa structure, l’incarne à merveille. Il croît sans jamais oublier d’où il vient.
Si la dendrochronologie trouve son origine dans l’étude scientifique, elle a des applications qui dépassent le simple comptage des anneaux. Cette discipline permet de dater des événements avec une précision presque magique. L’éruption d’un volcan, l’effondrement d’une civilisation, les fluctuations climatiques d’un millénaire passé. En analysant le bois d’anciens bâtiments ou celui d’arbres fossiles, des fragments du puzzle du passé peuvent être reconstitués.
J’y vois une spiritualité subtile dans cet acte. En établissant des liens entre l’histoire humaine et l’histoire naturelle, la dendrochronologie me rappelle que je ne suis pas séparé de la terre, j’y suis profondément enraciné, ancré en elle. Dans chaque anneau, je ressens une leçon d’humilité, un enseignement. Ma vie, si courte, s’inscrit dans un cadre bien plus vaste où les siècles dialoguent silencieusement.
En méditant sur les arbres et leurs anneaux, je me suis interrogé sur ma propre Vie. Qu’ai-je inscrit dans le bois de mon Âme ? Mes années de sécheresse, mes années d’abondance, qu’ont-elles laissé comme traces en moi 6️⃣ ? Il m’arrive de ressentir un écho du passé, un moment précis qui, comme un anneau large ou étroit, continue d’influencer mon présent. Chacun.e porte ces marques invisibles.
En même temps, les arbres m’enseignent aussi la résilience. Chaque année, un nouvel anneau vient envelopper le précédent, le protégeant, le consolidant. Les blessures se referment, lentement, sûrement, jusqu’à devenir partie intégrante de l’ensemble. Si l’arbre peut surmonter les tempêtes, pourquoi pas moi ?
Ce qui me fascine dans l’arbre, c’est son double mouvement 7️⃣. Il est enraciné dans la terre et il s’élève vers le ciel. Il est à la fois solidement ancré et irrésistiblement attiré vers la Lumière. Cette dualité n’est-elle pas aussi celle de l’Être HUmain ? Bien que j’aie besoin de mes racines comme ma famille, mes amis, ma culture, mes expériences, j’aspire également à quelque chose de plus grand, de plus élevé. L’arbre, par son existence même, incarne cette tension entre le matériel et le spirituel. Je connais certaines personnes dont cette tension est tirée à l’extrême comme si plus le spirituel prenait de place, plus le matériel résistait. Cette tension extrême apporte, alors, un lot de difficultés voire de souffrances.
En Suède, il existe un arbre surnommé « Old Tjikko ». C’est un épicéa âgé de plus de 9550 ans. En réfléchissant à son âge, je suis saisi d’une sorte de vertige. Cet arbre était déjà vivant alors que les premières civilisations humaines émergeaient. Il a vu le monde changer, les glaciers reculer, les empires s’élever et s’effondrer, les amours se construire et se déconstruire. Et pourtant, il reste ici, immobile, témoin silencieux du passage du temps.
Il y a une humilité dans cette longévité. L’arbre ne cherche pas à dominer, à conquérir. Il existe simplement, en harmonie, avec son environnement. Beaucoup cherchent à imposer leur volonté sur le monde, à laisser des traces visibles. Peut-être devraient-ils apprendre à Être, tout simplement.
En écrivant ce texte, je réalise que la dendrochronologie n’est pas seulement une science, c’est une invitation à la contemplation. Les anneaux des arbres sont des ponts entre le passé et le présent, des rappels que chaque instant est inscrit dans une continuité. Ils m’enseignent la patience, la résilience et, surtout, l’humilité.
Chaque arbre porte en lui une histoire unique tout en faisant partie d’un réseau plus vaste, d’une forêt où chaque Être contribue à un Tout. De la même manière, je prends conscience que ma Vie, si singulière, s’inscrit dans une trame collective. Je suis un anneau dans l’histoire humaine, un point dans l’éternité du temps.
Et Toi, Lectrice, Lecteur, quelles marques laisses-tu dans le bois de ton Âme ?
(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea »RENARD (20241216-2))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Volker Bertelmann – 2024 – Conclave (Original Motion Picture Soundtrack))
1️⃣ : La dendrochronologie dérive du grec ancien « dendron » signifiant « arbre », de « khronos » signifiant « temps » et de « logia » signifiant « l’étude de » ;
2️⃣ : voir le texte « Le Temps …. qui passe » ;
3️⃣ : voir le texte « L’Échappatoire » ;
4️⃣ : voir le texte « Sans Queue, Ni Tête ? » ;
5️⃣ : Héraclite d’Éphèse est un des principaux philosophes grecs dits présocratiques. Nous ne savons presque rien de sa vie, sinon qu’il vécut à Éphèse vers 500 av. J.-C., et ne connaissons sa philosophie qu’à travers les auteurs anciens qui, du IVe siècle av. J.-C. jusqu’à la fin de l’Antiquité, l’ont cité et notamment les plus éminents d’entre eux, Platon, Aristote, Lucrèce, Sénèque, Plutarque, Sextus Empiricus, Marc-Aurèle, Diogène Laërce, Plotin et d’autres (merci Wikipedia) ;
6️⃣ : voir les textes « Les Traces Un-Visibles » et « Le Chant du Jardin et des Étoiles » ;
7️⃣ : voir le texte « Le Voyage de l’Être » ;

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