Aujourd’hui, cela fait trois ans que j’ai créé ce groupe basé sur mes écrits spirituels, philosophiques voire oniriques. Ces écrits sont des histoires, des contes, des fables, des textes, des témoignages, certains plus légers, d’autres plus « hermétiques » pour le mental, ouverts pour le Cœur.

Au lieu d’écrire sur l’année écoulée et de faire une sorte de synthèse de tout ce qui s’est passé dans ma Vie, j’ai préféré écrire une histoire. Une histoire qui me ressemble sans être mon histoire.


Un vieil Homme et la mer

L’homme marchait, seul, comme il en avait pris l’habitude depuis quelque temps. Sa démarche lente, presque pesante, trahissait le poids des années et des regrets. À soixante-trois ans, Élias était devenu une silhouette familière des sentiers bordant la mer. Chaque matin, il suivait le même chemin s’arrêtant au même promontoire pour contempler l’horizon. Ce jour-là, pourtant, quelque chose était différent. L’air semblait plus chargé, comme si le monde retenait son souffle.

Élias avait toujours ressenti une étrange attraction pour cette étendue d’eau infinie. La mer lui parlait comme une mélodie que l’on devine sans pouvoir l’entendre pleinement, même si ses mots restaient insaisissables. Il avait vécu toute sa vie dans la routine d’un quotidien discret, une carrière honnête, une famille qu’il aimait mais qu’il n’avait jamais su approcher pleinement. Ses relations, bien qu’affectueuses, étaient marquées par une distance, une pudeur maladroite qui le rendait étranger à ceux qu’il aimait.

Il portait en lui une douleur ancienne, un chagrin qu’il n’avait jamais osé nommer. Peut-être était-ce ceci qui l’avait conduit sur ce chemin, encore et encore, dans l’espoir muet de trouver quelque chose. Ce jour-là, en atteignant le promontoire, il vit une silhouette qui n’était pas censée être là. Une femme, immobile, regardait la mer.

Élias s’arrêta, hésitant. L’idée de partager ce lieu si intime avec une inconnue lui déplaisait. Pourtant quelque chose dans la posture de la femme l’intriguait. Elle semblait fragile, presque perdue. Il y avait dans son immobilité une intensité qui le captiva.

Il s’approcha lentement, son pas brisant le silence. La femme ne bougea pas. Lorsqu’il arriva à sa hauteur, elle tourna légèrement la tête. Ses yeux étaient rouges, ses joues mouillées de larmes. Élias fut saisi par la puissance de son regard, non pas parce qu’il exprimait une douleur visible, simplement parce qu’il semblait refléter la sienne.

« Vous êtes venu pour la mer ? » demanda-t-elle d’une voix rauque.

La question le prit de court. Après un instant de silence, il répondit : « Oui… et pour ce que je ne comprends pas encore ».

Elle eut un sourire triste. « Alors peut-être sommes-nous ici pour la même raison ».

Ils restèrent là, côte à côte, sans échanger un mot de plus pendant un long moment. Élias sentait que ce silence n’avait rien de gênant. Au contraire, il semblait presque sacré, une sorte de prière muette adressée à l’immensité devant eux. Finalement, elle parla.

« J’ai perdu mon fils » dit-elle simplement, comme on jetterait une pierre dans l’eau.

Ces mots percutèrent Élias comme une vague glacée. Il ne savait pas quoi répondre. Les mots semblaient trop pauvres, trop vides. Alors il ne dit rien.

« Il avait vingt ans » reprit-elle. « Une tempête. La mer l’a pris ».

Le cœur d’Élias se serra. Il comprit alors pourquoi elle était là, pourquoi son regard lui semblait si familier. Elle portait une douleur qu’il reconnaissait, bien qu’elle ne soit pas la sienne.

« Je suis désolé » murmura-t-il enfin.

Elle hocha la tête. « Moi aussi. Mais ce n’est pas pour ça que je suis ici ».

Il la regarda, surpris.

« Je suis ici pour lui pardonner ».

Ces mots le laissèrent sans voix. La mer semblait à cet instant plus vaste, plus insondable.

Ils continuèrent à se voir, presque chaque jour, sur ce même promontoire. Parfois ils parlaient, parfois non. La femme, dont il apprit qu’elle s’appelait Maëlys, semblait porter en elle une sagesse étrange comme si sa douleur l’avait brisée d’une manière qui lui permettait de voir au-delà des apparences.

Un jour, alors que le soleil déclinait, elle lui posa une question qui le troubla profondément. « Qu’est-ce que vous portez en vous, Élias ? Quelle est votre tempête ? »

Il voulut protester, dire qu’il n’y avait rien, mais il savait que ce serait un mensonge. Il baissa les yeux. La vérité qu’il avait enfouie depuis des décennies remonta à la surface comme un navire englouti refait surface après un long sommeil.

« Mon père » murmura-t-il. « Nous étions si différents. Il voulait que je sois fort comme lui. Mais je ne l’étais pas. Je ne l’ai jamais été. Je crois, je crois qu’il m’en voulait. Et moi, je lui en ai voulu aussi ».

Maëlys l’écouta sans parler, ses yeux fixant un point invisible à l’horizon. Il continua presque malgré lui.

« Il est mort il y a trente-six ans. Nous ne nous sommes jamais réconciliés. Et depuis, je ne peux pas m’empêcher de penser que j’ai échoué. Que je n’ai pas su être le fils qu’il voulait ».

Un silence lourd s’installa, mais Maëlys le brisa avec une douceur inattendue. « Peut-être qu’il n’attendait pas que vous soyez fort. Peut-être qu’il espérait simplement que vous soyez vous-même ».

Ces mots pénétrèrent Élias comme une lumière perçant une pièce sombre.

Dans les semaines qui suivirent, leur lien devint une sorte de rituel. Chaque jour, ils se retrouvaient sur ce promontoire partageant leurs silences et leurs révélations. Élias commença à voir en Maëlys une sorte de miroir, un reflet de ce qu’il aurait pu devenir s’il avait accepté d’affronter ses propres tempêtes plus tôt.

Un matin, Maëlys apporta une petite boîte en bois. Elle l’ouvrit révélant une poignée de coquillages polis par le temps et l’eau. « Ce sont des morceaux de la mer » dit-elle. « Des fragments de tout ce qu’elle a pris, aussi de tout ce qu’elle a donné ».

Elle tendit un coquillage à Élias. Il le prit dans ses mains, le regardant comme s’il contenait un secret.

« Chaque douleur, chaque perte, est une vague » dit-elle. « Même la vague la plus forte finit par devenir calme. La mer ne garde rien pour elle. Elle transforme tout ».

Ce jour-là, Élias sentit quelque chose changer en lui. Ce n’était pas une guérison soudaine, plutôt un apaisement, une réconciliation intérieure qu’il n’avait jamais crue possible. En regardant la mer, il comprit qu’elle n’était pas seulement une force destructrice, elle était aussi une puissance de transformation.

Maëlys disparut peu après comme si elle avait accompli ce pour quoi elle était venue. Élias ne la revit jamais. Son absence laissa une trace lumineuse dans sa vie comme une étoile filante qui reste gravée dans la mémoire.

Les années suivantes, Élias continua à marcher, sur ce sentier, avec une légèreté nouvelle. Il apprit à pardonner à son père et, surtout, à se pardonner à lui-même. À travers cette rencontre, il découvrit que la véritable révélation ne résidait pas dans une vérité extérieure, simplement dans l’acceptation profonde de ce qu’il était.

Il comprit enfin que la mer, avec ses vagues et son infinité, n’était pas ici pour le prendre ou le juger. Elle était ici pour lui rappeler que tout, même la douleur, pouvait être transformé en Lumière.

(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea »RENARD (20241213-2))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Sub Rosa – 2024 – Anigma)

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