« Nous lisons chaque jour avec étonnement des choses que nous voyons chaque jour sans surprise » (Philip Chesterfield)

J’ai été surpris, c’est le cas de le dire, par cette citation de Philip Chesterfield 1️⃣.

Je marche 2️⃣ souvent dans ce monde, les yeux grands ouverts, observateur curieux aussi bien de la Nature que de l’Humanité et, pourtant, je suis parfois aveugle à l’essentiel. Chaque instant, le spectacle du vivant se déroule devant moi et, souvent, il glisse sur ma conscience HUmaine comme l’eau sur une pierre lisse. Les arbres se tiennent ici, immobiles et majestueux, leur silence vibrant de vie et, parfois, je les traverse sans les voir vraiment. Pourtant, lorsque je tombe sur les mots d’un poète, d’une poétesse décrivant ces mêmes arbres, leur splendeur m’éblouit. Pourquoi faut-il que l’écriture me révèle ce que la vision directe me refuse ?

Mon regard s’accroche souvent à la surface des choses, emprisonné par l’habitude, l’automatisme, l’illusion du déjà-vu. Le corps, cet instrument miraculeux, ce véhicule terrestre capte chaque sensation, chaque couleur, chaque odeur, pourtant l’esprit, brouillé par le tumulte de l’ego, classe, étiquette, catégorise, oublie. Je vois sans voir comme si une fine couche de poussière recouvrait la fenêtre de ma perception. Pourtant, lorsque je lis, lorsque les mots me tendent un reflet inattendu de la réalité, quelque chose se soulève en moi. L’étonnement éclaire l’ordinaire d’une lumière neuve et ce qui était banal devient soudain Divin.

Ce paradoxe m’interpelle car ce qui est perçu directement par mes sens ne touche parfois qu’à la surface de mon Être. Pourtant quand ces mêmes vérités sont reformulées, repensées, réinterprétées, elles pénètrent plus profondément comme si l’Âme elle-même tendait l’oreille. Peut-être est-ce parce que les mots, nés de la conscience d’un.e autre, portent en eux un fragment de l’éveil du Divin en moi. Je découvre alors, dans ce prisme d’une autre perception, une richesse que je ne savais pas porter.

Il y a, en moi, un étrange « divorce » entre mon corps qui vit chaque chose avec une immédiateté parfaite et mon mental qui filtre, juge sans relâche. Mes pieds foulent le sol et mon esprit est déjà ailleurs, dans des conjectures, des souvenirs. Pourtant, lorsque je lis la description d’un simple pas sur un chemin poussiéreux, chaque sensation me revient. La caresse d’un vent chaud, la morsure légère d’une bise, la douceur vivante de la terre sous mes pieds, tout cela, je l’ai vécu, à différents moments de ma Vie, et je ne l’avais pas nécessairement saisi.

Je me demande parfois si mon Âme, ce témoin que je dis silencieux et qui ne l’est pas tant que çà, contemple ce ballet étrange entre perception et oubli avec une infinie patience. Car je sais que tout est déjà, Ici et Maintenant, à chaque instant. Le souffle, ce miracle qui m’anime, m’accompagne dans une constance si fidèle que je l’ignore presque. Le battement de mon cœur, un virtuose de la vie, me parle, m’interpelle et je ne l’écoute pas. Cependant lorsque je lis une poésie évoquant le mouvement des poumons, la pureté de l’air qui entre et sort, je suis soudain renvoyé à la vérité éclatante de ma propre existence. Alors, il me semble que mon Âme murmure : « Enfin, tu te rappelles ! »

Pourquoi cette amnésie persistante ? Je crois que le mental, avec son besoin d’interpréter, de contrôler voire de juger, y est pour beaucoup. Il crée un écran entre moi et la réalité immédiate. Il veut comprendre, nommer, cataloguer, catégoriser, posséder et, dans cet effort incessant, il oublie de goûter, de savourer voire même d’aimer. Chaque jour, mes pensées tracent des chemins familiers transformant l’infini en routine. Je vois un oiseau et je dis « oiseau ». Je vois une fleur et je dis « fleur ». Je vois un arbre et je dis « arbre ». En même temps, ces mots ne contiennent pas l’essence de ce qui m’est donné, offert en présent, à voir.

Cependant, lorsque je lis des mots qui transcendent cette prison mentale, une brèche s’ouvre. Les phrases, comme des clefs, déverrouillent en moi des espaces oubliés. Ce n’est pas le mental qui réagit alors, c’est quelque chose de plus profond, de plus intérieur. Mon ego, qui s’accroche à son rôle d’observateur, de commentateur, de critique, est momentanément réduit au silence. Et, dans ce silence, je perçois une résonance , c’est celle de ma propre Âme, en écho à l’infini.

Je m’émerveille aussi de cette étrange alchimie entre les émotions que je ressens et les mots qui les décrivent. Dans ma vie quotidienne, une émotion surgit comme la joie, la tristesse, la colère et, souvent, je la traverse sans la comprendre comme un navire passant au-dessus des profondeurs insondables. Cependant, si je tombe sur une ligne de prose ou de poésie qui en capture l’essence, je suis arrêté, transporté, émerveillé. Une porte s’ouvre alors et je descends dans ces profondeurs que je n’avais fait que survoler.

Il m’arrive de pleurer en lisant. Et ces larmes, bien qu’incompréhensibles à première vue, portent en elles une forme de libération. Elles semblent dire : « Voici ce que tu n’as pas su voir, ce que tu n’as pas su vivre pleinement ». Les mots me renvoient à ma propre HUmanité, non pas comme une limitation, humblement comme un reflet du Divin en moi. Ils transforment mes ressentis en quelque chose de Sacré comme si l’éphémère touchait à l’éternel.

Je sais que mon Âme cherche constamment à me rappeler à l’essentiel. Elle ne juge pas mes oublis, ne condamne pas mes errances. Elle me relève quand je tombe. Elle attend, immuable, que je m’éveille. Chaque fois qu’un texte m’émeut ou me fait voir ce que je n’avais pas su percevoir, je sais que c’est un appel de cette partie supérieure de moi-même. Un appel à dépasser les limites du mental, à m’élever au-delà de l’ego.

Ma Conscience Supérieure agit comme un phare dans cette conquête. Lorsque je lis quelque chose qui résonne profondément, c’est comme si sa Lumière me touchait, éclairant un aspect de ma vie que j’avais laissé dans l’ombre. La beauté d’un poème, la sagesse d’un passage philosophique, la simplicité d’une description d’un moment ordinaire, tout ceci me guide vers une compréhension plus vaste. Ce que je vois chaque jour sans surprise est alors transfiguré par la Lumière du Divin et je me rends compte que rien n’est vraiment ordinaire.

Dans ces moments rares où l’éveil me traverse pleinement, je touche brièvement à la Conscience Divine. Je ne peux pas la décrire car elle échappe aux mots, en tout cas en mes mots, et, pourtant, je la sens comme une Présence, Infinie et Bienveillante. C’est comme si, en lisant, je percevais une intention cachée derrière les phrases, une intention qui n’appartient ni à l’auteur ni à moi-même, plutôt à une Source plus haute. Alors, le « banal », le « quotidien », l’émerveillement devient Sacré et l’étonnement dépasse ce que le mental peut contenir.

Je comprends que cette Conscience Divine est toujours, Ici et Maintenant, même lorsque je ne la reconnais pas. Elle habite les choses que je vois, que je perçois chaque jour, les gestes que je fais, les vies que je croise. Pourtant, pour moi, c’est souvent à travers la Lumière des mots que je parviens à l’effleurer comme si l’écrit était un miroir où l’invisible se rend visible. Et, dans ce reflet, je ne vois pas seulement le monde, je vois aussi ma propre Essence, liée à l’infini.

Ainsi, je lis avec étonnement ce que je vois chaque jour sans surprise. Non pas parce que l’un est plus vrai que l’autre, simplement parce que la lecture réveille en moi ce que la vue seule ne peut éveiller : « Le souvenir de ma Nature Divine, l’évidence de l’Unité ».

(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20241201-2))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Le Silence)

1️⃣ :  Philip Dormer Stanhope (1694-1773), 4ᵉ comte de Chesterfield, est un homme politique et un écrivain anglais. Il est connu sous l’appellation de Lord Chesterfield ;

2️⃣ :  voir le texte « Dès qu’on approche un être humain, on touche à l’inconnu » (Edouard Estaunié).

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