Un Homme Ordinaire

(sous-titre : Tranche de Vie)

Il y a quelques semaines, ma Bienaimée et moi avions prévu de faire les courses à un dimanche matin. J’avais dit que je ne souhaitais pas que les enfants (28 et 24 ans) viennent avec nous car ils ont, comme je dis, la dépense facile. Il est nécessaire de savoir que nos enfants ont un petit appartement, mieux qu’un kot, que nous payons pour leurs études. Ils avaient passé la nuit à la maison suite au fait que nous avions été voir un concert, à Liège, sur la musique de Hans Zimmer et John Williams. C’était mon cadeau d’anniversaire proposé par notre fille. Quand je pense à elle, je me souviens de la réplique du Dr John Hammond, joué par Richard Attenborough, dans Jurassic Park : « J’ai dépensé sans compter ». Jusque-là rien de bien transcendant même si j’ai dit à ma Bienaimée : « Tu ne dis pas oui à tout ».

En rentrant à la maison en rangeant les courses, je ne sais pas comme la discussion a démarré, toujours est-il que le sujet est la guerre Israël-Gaza. Je lui réponds qu’au-delà de cette guerre, c’est une guerre de religion et de pouvoir. Dans cette « histoire », rien n’est blanc, rien n’est noir, en résumé rien n’est manichéen 1️⃣. J’ajoute qu’il y a des « torts » des deux côtés. Et là, si je peux m’exprimer ainsi, la mèche est allumée et l’explosion va bientôt avoir lieu. Elle ne comprend pas comment un territoire a été donné à Israël à l’emplacement de la Palestine. C’est l’histoire, c’est ainsi. C’est l’ONU qui a œuvré pour ce « bout de terrain » 2️⃣. Et puis, s’en suit, un échange où elle s’énerve, elle invective. Et puis, elle me dit : « Tu me déçois, tu es un homme ordinaire comme les autres ». Je n’en suis pas marri. J’ai l’habitude de ce genre d’invectives quand elle arrive « à la limite » de son raisonnement et puis elle prend la fuite. C’est ainsi.

Le titre de l’album, que j’écoute à l’écriture de ce texte, se traduit par « Le loup change sa fourrure mais pas sa nature ». Et ce titre s’applique à nous deux. Je sais que, chez elle, il y a une colère qui couve souvent et je sais qu’elle n’apprécie pas que l’on ne soit pas du même avis qu’elle. C’est ainsi. Je suis passé par là aussi. Et moi, je sais que je suis un homme ordinaire. Et elle a raison, mille fois raison, merci à elle de me l’avoir rappelé. Même si elle ne sait pas ce que ceci représente pour moi.

Je revendique d’être un homme ordinaire « plongé » dans l’extraordinaire de la Vie. Alors, oui, parfois, en société je porte un autre habit pour les conventions sociales, une sorte de masque social. Cet homme ordinaire m’a fait penser à une de mes chansons préférées de William Sheller : « Un homme heureux » 3️⃣.

Donc, je suis un homme ordinaire. C’est une phrase simple, anodine voire, peut-être, même banale. Elle pourrait passer inaperçue dans le brouhaha de la société moderne où tout semble aller trop vite et où l’ordinaire se perd dans le flot de de l’exceptionnel, du remarquable et j’ajoute même du paraître.

Dans un monde qui valorise l’accomplissement, la performance, l’apparence d’un succès éclatant, être un homme ordinaire est presque devenu une sorte d’acte de résistance, un choix assumé face à une société qui ne jure que par l’exception, sortir du lot. C’est à la fois un poids et une liberté, un défi et une acceptation. Mais qu’est-ce que cela signifie réellement « Être un homme ordinaire » dans cette époque où la norme est d’atteindre l’extraordinaire ?

Pour ma part, être un homme ordinaire aujourd’hui, c’est d’abord faire face à une forme d’invisibilité. La société actuelle est construite sur l’idée que chacun doit laisser une trace, un impact significatif comme si la vie n’avait de valeur que si elle était amplifiée, partagée, admirée parfois commentée. Dans ce contexte, vivre une vie ordinaire devient presque une anomalie.

Pourtant, il y a une beauté simple dans le quotidien, une richesse dans les petites joies, une liberté dans les moments « volés » au temps. Mon quotidien, bien que modeste, est un espace de construction, un espace où se dessinent mes valeurs et mes vérités. Ce que j’accomplis chaque jour peut sembler insignifiant pour beaucoup et, en même temps, il n’en est pas moins essentiel pour moi. Échanger quelques mots, aider quelqu’un, partager, écouter, ce sont autant d’actions qui, par leur simplicité, fondent mon existence et forgent ma présence au monde.

Vivre comme un homme ordinaire, c’est aussi accepter de ne pas se voir érigé en exemple, en héros, en maître. C’est apprendre l’humilité, accepter que l’essentiel ne soit pas dans le regard des autres mais dans l’intégrité de mes actions, dans la sincérité de mes choix. La société actuelle encourage le « paraître », l’exhibition de soi sur les réseaux sociaux, la construction d’une identité fictive. Mais moi, je trouve une forme de paix dans l’idée que je n’ai pas besoin de me conformer à ces attentes.

L’humilité m’a appris à aimer l’invisible, « l’insignifiant ». Elle m’a permis de regarder au-delà des apparences, de comprendre que la véritable valeur d’un homme, d’une femme ne réside pas dans ses possessions, dans son statut ou dans ses accomplissements, plutôt dans sa capacité à rester fidèle à lui-même, elle-même, même lorsqu’il se fond dans la masse. Je me définis non par ce que je montre, je me définis par ce QUE JE SUIS, profondément, intimement.

Être un homme ordinaire dans cette époque, bien mouvementée et le mot est faible, c’est aussi vivre avec une conscience aiguë de sa propre finitude. Chacun.e est rappelé à la « brièveté » de sa vie, à la fragilité de son existence. La modernité, avec sa fascination pour la jeunesse, la vitesse, l’innovation a peut-être tendance à oublier que chaque jour nous rapproche de notre fin. C’est inéluctable et, en même temps, ce n’est pas fataliste.

En tant qu’homme ordinaire, je sais que je ne laisserai probablement pas un grand héritage, que mon nom ne sera pas gravé dans la mémoire collective. Ce n’est pas important. La conscience de ma finitude m’a appris à apprécier chaque instant, à vivre avec une intensité simple et modeste, à tirer le meilleur de ce que j’ai, ici et maintenant. Je n’attends pas de miracles, je n’attends pas la reconnaissance, je vis pour moi, pour les miens, pour le moment présent. Et cette prise de conscience, loin de m’effrayer, me libère. Elle m’aide à relativiser, à me détacher des préoccupations futiles, à valoriser l’instant présent.

L’époque actuelle est marquée par l’individualisme, par la glorification de « self-made man » 4️⃣, celui qui réussit seul, contre vents et marées. Mais être un homme ordinaire m’a appris que la solidarité est une force bien plus puissante. Dans ma simplicité, j’ai appris l’importance de compter sur et avec les autres, de tisser des liens sincères, d’aider ceux qui sont dans le besoin et de recevoir en retour sans attente.

Je trouve un profond sens de satisfaction dans les relations humaines simples, dans le partage des moments quotidiens, dans l’entraide sans attente de réciprocité. Être ordinaire, c’est savoir que je ne suis qu’un maillon dans une chaîne humaine, que mes actions, aussi modestes soient-elles, contribuent à un ensemble plus vaste. Ce lien avec les autres est ma richesse, ma force secrète.

Dans un monde où les réseaux sociaux et les médias prônent la comparaison constante, être un homme ordinaire est presque un acte de foi en soi-même. La « société » présente, sans cesse, des modèles de réussite, des vies idéalisées, des carrières éblouissantes. Il est difficile de ne pas se comparer, de ne pas ressentir parfois un sentiment d’infériorité. Je me suis détaché de cette course que j’ai connue dans ma première partie de vie.

J’ai appris à me connaître, à accepter mes limites, à respecter mes propres envies sans chercher à m’aligner sur les attentes extérieures. C’est, peut-être ça, la véritable liberté : « Accepter d’être ce QUE JE SUIS, QUI JE SUIS, sans m’excuser, sans essayer de me conformer à des standards qui ne sont pas les miens ». Il y a une sorte de paix intérieure qui naît de cette acceptation, une force tranquille qui m’aide à avancer sans crainte.

Être un homme ordinaire, c’est accepter que le temps soit une véritable richesse. J’apprends chaque jour à m’accorder le droit de ralentir, de savourer le chemin sans être obsédé par la destination. Le temps me permet de cultiver la sagesse, d’apprécier les petits bonheurs, de construire mon existence sans précipitation. Le temps est à la fois mon allié et mon « maître ». Il m’apprend que chaque chose a son moment, que chaque étape de la vie a sa raison d’être et qu’il est vain de vouloir tout précipiter.

Être un homme ordinaire aujourd’hui, c’est embrasser l’art de la simplicité 5️⃣. C’est vivre sans artifice, sans illusion de grandeur. Simplement avoir la conscience que la véritable valeur de l’existence réside dans les petits gestes, dans la constance, dans l’authenticité de mes choix.

Je ne suis pas un héros, je ne suis pas une figure emblématique. Je suis simplement moi, avec mes doutes, mes forces, mes faiblesses. Et dans cette simplicité réside, pour moi, une manière d’être en harmonie avec ce que je suis profondément.

Je porte en moi, avec moi, ma capacité à aimer, à persévérer, à trouver du sens dans chaque instant aussi modeste soit-il. Être ordinaire n’est pas une faiblesse, c’est une force. C’est la beauté discrète de ceux qui, sans bruit ni éclat, construisent patiemment un monde où chacun a sa place 6️⃣, où chacun est nécessaire.

Alors oui, je le revendique haut et fort : « Je suis un homme ordinaire ». Merci, ma Fille, mille fois merci.

(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20241110-1))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Crippled Black Phoenix – 2024 – The Wolf Changes Its Fur But Not Its Nature)

1️⃣ :  voir le texte « Est-ce que ce monde est sérieux ? » ;

2️⃣ :  Le partage de la Palestine et la naissance de l’Etat d’Israël ;

3️⃣ :  J’ai écrit un texte sur les gens heureux en me basant sur la chanson de William Sheller « Un homme heureux » ;

4️⃣ :  « Self-made man » est un terme anglo-américain qui sert à décrire une personne dont le succès est la conséquence de ses décisions et de ses actions, plutôt que de conditions extérieures à celle-ci. L’américain Benjamin Franklin a été décrit comme l’exemple phare du self-made man (merci Wikipedia) ;

5️⃣ :  voir le texte « J’ai trouvé un trésor immense dans la simplicité » ;

6️⃣ :  voir le texte « ‘Tout a une place’ au lieu de ‘Tout est à sa place’ (Saint-Paul) » ;

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