Au-delà du reflet

(sous-titre : Le Voyage Intérieur)

Je suis là, face à ce miroir brisé en deux, reflet divisé de ce que je suis, de ce que j’étais, de ce que je pourrais devenir. Devant moi se dessine un visage aux contours familiers. Un visage que je ne reconnais pas tout à fait. D’un côté, un élan de vie surgissant comme un bourgeon au printemps. De l’autre, la simplicité nue d’un profil immobile, presque froid, qui semble attendre sans impatience, sans mouvement. Entre ces deux reflets, entre ces deux moitiés de moi, je sens une frontière que je n’avais jamais remarquée avant ce jour.

Le poids de mon existence pèse dans mes pensées. Comment ai-je pu, jusqu’à présent, ignorer cette division ? Comment ai-je pu vivre sans m’apercevoir de cette dualité qui m’habite, de ce tiraillement invisible qui guide mes pas et mes choix ? Peut-être est-ce parce que je me suis laissé emporter par le flux du quotidien, par les murmures incessants des obligations, par les masques que je revêts chaque jour pour affronter le monde.

Ce soir-là, en plongeant dans ce reflet étrange, je me sens en suspens, entre deux rives. Les branches, du côté gauche de mon visage, m’appellent. Elles m’enlacent de leurs courbes et murmurent des secrets anciens. Elles portent les histoires de mes ancêtres, les échos des forêts, des montagnes qui m’ont vue naître. Elles sont le symbole de ma nature profonde, de mes racines, de cette part de moi qui cherche à s’épanouir, à se propager, à explorer l’infini potentiel de la Vie. Mais leur croissance est anarchique. Elles se multiplient en tous sens, jaillissent avec une énergie brute, sans contrôle.

Du côté droit, le silence. Mon visage, lisse et figé, est traversé par des fils invisibles comme ceux d’une marionnette suspendue au-dessus d’un vide que je ne saurais combler. Il y a quelque chose de douloureusement paisible dans cette partie de moi-même. Elle ne réclame rien, elle ne désire rien. Elle observe, sans attache, sans émotion, le monde qui s’agite autour. Cette moitié-là me semble froide, dépourvue de l’élan vital qui anime l’autre côté de mon visage. En même temps, elle dégage une stabilité, un calme impénétrable que je ne peux ignorer. Elle est mon ancre, la part de moi qui accepte le monde tel qu’il est, qui ne cherche pas à lutter contre les marées, qui ne rêve pas de changer les vents.

À chaque regard dans ce miroir, je ressens le tiraillement croissant entre ces deux forces en moi. Dois-je me laisser emporter par la vitalité sauvage de la croissance ou m’installer dans le confort tranquille de l’acceptation ? Il y a cette sphère rouge suspendue près de mon visage droit comme un cœur isolé, une pulsation recluse qui me rappelle que même, dans l’immobilité, quelque chose de vivant réside encore.

Les nuits passent et l’image dans le miroir m’obsède. À chaque aube, je retourne devant ce reflet cherchant des réponses, espérant trouver une paix entre ces deux mondes intérieurs. Mais rien ne change. La division demeure et je me sens, de plus en plus, comme un étranger à moi-même. Ces deux moitiés, si distinctes, semblent incapables de coexister harmonieusement. Comment réconcilier le besoin d’aller de l’avant, de s’étendre, de croître avec le besoin de rester immobile, d’observer, de se retirer ?

Un jour, au bord de l’épuisement, je décide de plonger en moi-même, de sonder les racines de cette dualité. Je ferme les yeux devant le miroir et je respire profondément. Je laisse mon esprit s’enfoncer dans les méandres de mes souvenirs, dans les strates oubliées de mon inconscient. Peu à peu, une voix surgit du silence, une voix douce et puissante, celle d’un ancien moi, un moi que j’avais abandonné sur le chemin de ma vie.

Elle me murmure des vérités que j’avais oubliées, des vérités que je n’avais pas osé affronter. Elle me parle de l’importance de l’équilibre, de la nécessité d’accepter la coexistence de ces forces opposées. « Rien ne se construit dans la pure croissance », me dit-elle, « pas plus qu’il ne se crée dans l’immobilité totale. L’univers lui-même est un mariage de ces énergies contraires : dilatation et contraction, expansion et intégration, naissance et mort, mouvement et repos ».

Quand je rouvre les yeux, je comprends. Je comprends que ces deux visages dans le miroir ne sont pas des ennemis, ce sont des alliés, des partenaires dans mon existence. Les branches qui s’étendent du côté gauche de mon visage ne sont pas là pour me retenir mais pour m’ancrer, pour me rappeler d’où je viens, pour m’offrir la force de m’élancer vers de nouveaux horizons sans craindre de perdre pied. Le côté droit, calme et observateur, est là pour me tempérer, pour m’offrir la sagesse de l’attente, la patience du silence.

La sphère rouge, quant à elle, est le point de jonction entre ces deux forces, la pulsation qui les relie et leur permet de battre en cadence. Elle symbolise le Cœur de cette harmonie retrouvée, le rythme unique de mon être qui sait maintenant quand avancer et quand s’arrêter.

Ce jour-là, devant le miroir, je fais la Paix avec moi-même. Je sais que je ne serai jamais complètement figé, ni totalement libre. Je suis à la fois le vent qui court dans les branches et la pierre qui reste immobile sous l’eau. Et cette dualité, loin d’être un fardeau, est ma véritable force. C’est ce qui me permet de ressentir profondément, d’observer intensément, d’aimer avec toute la richesse de mon Être, d’Oser ma Vie.

Chaque fois que je retourne devant le miroir, désormais, je ne vois plus une division. Je vois un équilibre, une alliance subtile entre la Vie et l’immobilité, entre la croissance et la sérénité, entre l’accompli et l’inaccompli. Je suis ce visage double, ce paradoxe vivant et c’est ainsi que je trouve mon chemin, chaque jour dans cette Vie Sacrée.

(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20241104-2))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Passage – 2024 – Mirroirs EP)

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