Ex Ignorantia Ad Sapientiam, Ex Luce Ad Tenebras

J’ai lu cette maxime sur une page internet sans savoir ce qu’elle signifiait. N’ayant jamais fait de latin, j’en comprends cependant quelques mots par leur ressemblance avec les mots français. Je sais, parfois, qu’il existe de « faux amis » dans les mots et, en même temps, pour « ignorantia » et « tenebras », il y a peu d’équivoque.

Je me suis posé la question d’où venait cette maxime, cette citation. Était-ce un auteur célèbre, un philosophe antique, un homme politique, que sais-je d’autres ? En fait, après une simple recherche, je trouve que cette maxime est, en fait, la devise de l’université Miskatonic d’Arkham dans le Massachusetts aux États-Unis. Université inconnue pour moi.

En fait, c’est normal qu’elle me soit inconnue car c’est une université fictive provenant de l’œuvre de l’écrivain américain Howard Phillips Lovecraft.

Cette devise « Ex Ignorantia Ad Sapientiam, Ex Luce Ad Tenebras » signifie « de l’ignorance à la sagesse, de la lumière aux ténèbres ». Je reconnais que la « simple » traduction trahit la profondeur de cette expression. Oui, oui, je confirme la profondeur de cette devise. Chaque terme a de l’importance. Chaque terme mérite une attention particulière. L’ignorance et la sagesse, la lumière et les ténèbres ne sont pas de simples binômes en opposition. Ils forment un cycle, une sorte de processus trouvant son importance, son rôle dans la sempiternelle quête humaine de sens et d’acceptation.

L’ignorance est souvent considérée de manière péjorative. Pourtant, elle est un point de départ essentiel. C’est un état originel. Je nais dans l’ignorance, j’émerge du vide sans conscience immédiate de ce qui m’entoure, de ce qu’est mon propre Être, de ce qu’est ma place dans ce monde. En fait, l’ignorance est une condition fondamentale de l’HUmanité, une innocence première précédant tout acte dans la Vie. Je ne savais pas marcher, parler, écrire, manger, aimer, j’étais ignorant et j’ai appris par mimétisme, par expérience, par « essai-erreur ».

En même temps, l’ignorance est également inconfortable. Elle contient, en elle-même, le germe du questionnement. Pourquoi naît en moi cette soif de savoir ? Parce que l’ignorance est synonyme de limitations. Elle m’emprisonne dans des certitudes non réfléchies, dans un état d’immobilité tout autant intellectuelle que spirituelle. C’est une forme d’obscurité dans laquelle je suis plongé à un moment ou à un autre. En même temps, cette obscurité peut être porteuse d’une Lumière latente.

Pourtant, des personnes « ignorantes » peuvent réaliser de grandes œuvres. Mon père a créé des machines comme un motoculteur, un compresseur, un récolteur de pommes de terre et bien d’autres choses sans connaître la théorie de ces mêmes machines. Pour lui, ça fonctionnait sans en comprendre le fonctionnement théorique. Pour lui, c’était le principal. Il n’était pas dans le savoir, il était dans le pouvoir.

Dans cette ignorance, parfois dans cette insatisfaction, germe l’élan, l’impulsion vers la Sagesse. L’ignorance, en tant que manque, crée l’espace où la connaissance peut se déployer. Elle devient la force motrice poussant l’individu, l’Être à explorer, à apprendre, à grandir. Ce passage (ce pas sage) n’est pas linéaire. Ce n’est pas une simple progression vers un sommet clair et défini. C’est un chemin complexe, souvent sinueux, où chaque réponse soulève de nouvelles questions, chaque Lumière nouvellement allumée révèle des ombres plus profondes.

La sagesse, loin d’être une accumulation de connaissances, de faits, de savoirs, est une qualité de l’Esprit, une attitude, une posture face au monde. Elle est souvent considérée comme un idéal, un horizon vers lequel je tends sans jamais vraiment l’atteindre. Mais qu’est-ce que la sagesse au fond ? Est-elle un état stable ou une perpétuelle quête 1️⃣ ?

Il y a une idée reçue selon laquelle la sagesse serait l’antithèse de l’ignorance, une sorte de lumière éclatante qui dissiperait toutes les ombres. Pourtant, cette conception dualiste me semble trop simpliste. La véritable sagesse n’élimine pas l’obscurité. Elle consiste à accepter que l’ombre fasse partie intégrante de la Lumière, que le doute nourrit la certitude, que l’ignorance n’est jamais totalement éliminée mais plutôt redéfinie.

La sagesse, c’est accepter l’incertitude tout en cherchant constamment à la clarifier. Elle implique la reconnaissance de mon ignorance inévitable tout en poursuivant un chemin éclairé. La sagesse est la conscience de la limite du savoir. Elle invite à une humilité profonde, un rappel que, peu importe mon chemin, l’inconnu me dépasse toujours.

La quête de la sagesse est donc un processus dynamique, perpétuel. Ce n’est pas une destination fixe. C’est une direction, une manière de naviguer entre les clairs et les obscurs de la Vie, entre l’accompli et l’inaccompli 2️⃣. En ce sens, la sagesse n’est pas la fin de l’ignorance, c’est sa transformation, sa mutation. Au lieu de fuir l’obscurité, la sagesse apprend à y faire face, à la contempler, à accepter ce qu’elle a à me révéler.

C’est ici que la deuxième partie de la devise « Ex Luce Ad Tenebras » entre en jeu. À première vue, passer de la Lumière aux ténèbres semble un renversement tragique, un retour à un état d’ignorance ou de confusion après avoir atteint un certain degré de clarté. En fait, c’est plus subtil, cette phrase peut être lue comme une reconnaissance du rôle crucial que les ténèbres jouent dans la recherche de la Lumière.

La lumière est souvent associée à la vérité, à la clarté, à la connaissance, à l’Amour. Dans de nombreuses traditions spirituelles, philosophiques, elle symbolise l’illumination, l’éveil, le divin. Mais la Lumière seule, sans contraste, ne révèle rien. Elle devient aveuglante, écrasante. La Lumière a besoin de l’obscurité pour prendre tout son sens, pour dessiner les contours des choses, pour donner forme à la réalité.

Les ténèbres, bien qu’inquiétantes, sont tout aussi nécessaires. Elles symbolisent l’inconnu, le mystère, la peur, ce que nous n’avons pas encore découvert. Mais c’est dans les ténèbres que les étoiles brillent, que de nouvelles perspectives émergent. Ce n’est pas un hasard si tant de récits spirituels ou mythologiques évoquent des descentes dans les ténèbres comme une étape cruciale vers la transformation intérieure 3️⃣. Dans la mythologie grecque, par exemple, Orphée descend aux Enfers pour retrouver son aimée. Dans la tradition chrétienne, Jésus est confronté à la nuit obscure de l’Âme avant sa résurrection.

Ainsi, le voyage « de la lumière aux ténèbres » peut être vu comme une étape essentielle dans le processus d’acquisition de la sagesse. Cela implique que la compréhension ne progresse pas seulement par accumulation de Lumière, mais aussi par immersion dans ce qui nous échappe, dans ce qui est caché. Les ténèbres ne sont pas le contraire de la Lumière, elles sont son complément. Ensemble, elles créent une dynamique poussant l’individu à avancer, à questionner, à explorer ce qui se trouve au-delà de ses certitudes. Elle pousse l’individu à Être.

La « tension » entre l’ignorance et la sagesse, entre la lumière et les ténèbres, crée un mouvement perpétuel, un cycle d’apprentissage et de désapprentissage. Ce cycle reflète la condition humaine elle-même. Je ne suis jamais totalement dans la Lumière, ni complètement dans l’ombre. J’oscille, entre ces états, à la recherche d’un équilibre impossible et, en même temps, nécessaire.

Chaque tour de cette spirale m’amène à des questions plus profondes, à des mystères plus complexes. Chaque pas vers la Lumière dévoile une nouvelle couche d’obscurité à explorer. Cette danse entre l’ignorance et la sagesse, entre la lumière et les ténèbres, est une aventure sans fin, un voyage intérieur qui définit ce que signifie être HUmain.

En ce sens, « Ex Ignorantia Ad Sapientiam, Ex Luce Ad Tenebras » est une invitation à embrasser la totalité de l’expérience humaine. Oui, embrasser, sans juger, la TOTALITE de mon ÊTRE avec ses moments de clarté et ses phases d’obscurité. TOUT se complète et se nourrit l’un de l’autre.

L’existence est faite de contrastes. C’est dans l’acceptation de ces contrastes que se trouve la véritable sagesse, la véritable Lumière.

(Mon Essence Spirituelle)
(Michaël « Shichea » RENARD (20241006-1 & 20241014-3))
(Illustration : Microsoft Designer suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Le Silence & Karmamoi – 2024 – Strings From The Edge Of Sound (Remixed) (Emilio Merone Remix))

1️⃣ : voir le texte « C’est ma Prière » ;

2️⃣ : références utilisées par Annick de Souzenelle : « Accompli, inaccompli, accomplissement » : « Accompli » signifie « amené à sa pleine réalisation » dans le sens où le Christ dit qu’Il est venu « accomplir la loi et les prophètes » (Mt 5,17) ou Saint-Paul que « l’amour est l’accomplissement de la lo » (Rm 13,10). L’Arbre de la Connaissance dit « du bien et du mal » (Gn 2,9) renvoie en fait à ce qui est accompli et pas encore accompli, à ce qui est Lumière et pas encore Lumière.

3️⃣ : Premier texte publié dans ce groupe : « Ce n’est pas en regardant la lumière qu’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. Mais ce travail est souvent désagréable, donc impopulaire. » (Carl Gustav Jung).

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