Au-delà des Adieux
La semaine de l’écriture de ce texte n’est pas terminée que je reçois déjà des « signes » sur le deuil 1️⃣. Car oui, ce texte va parler du deuil. Le titre vient d’une conférence que j’ai suivie, en présentiel, avec ma filleule. Ma bienaimée n’ayant pas su venir, j’ai offert sa place comme un « café suspendu ».
Je ne vais pas spoiler cette conférence qui a eu lieu dans un centre qui s’appelle « Ô Cœur de la Vie » à un quart d’heure de mon habitation. Cependant, je vais témoigner de ce que j’ai vécu. Au début de la conférence, chaque participant est invité à se présenter. Comme dans toute conférence ou tout atelier, les consignes sont la Bienveillance, le Respect, l’Écoute et, bien sûr, ce qui se dit ici reste ici.
J’ai constaté qu’il y a souvent un « retard à l’allumage ». Je m’explique. Quand une animatrice ou un animateur propose de témoigner, il y a souvent un « blanc » car chacun participant « se tâte », « hésite », « n’a pas envie de parler le premier », … . Donc, moi, je me lance. Ceci n’a pas toujours été comme çà. Avant, j’étais plutôt réservé, timide, introverti et puis l’expérience avec mes acouphènes 2️⃣ m’avait un peu « refroidi ».
Donc, je me lance en indiquant tous les décès que j’ai connus dans ma Vie. Tous ? Non, uniquement les membres de ma famille. J’en avais déjà parlé dans certains textes 3️⃣. Et puis, il était proposé de dire un mot sur la notion de deuil, sur ce que représente ce mot « deuil ». J’ai répondu « Transition de Vie ». Je précise que cette conférence était un échange « introductif » pour la proposition de « packs » de suivi pour cheminer sur le chemin du deuil.
J’ai constaté que je participais « fortement » à cette conférence. Il s’était installé une sorte de connivence entre les 2 animatrices et moi. Étant arrivé le premier, j’étais au plus proche de leur présentation. Quelque part, sans mauvais jeu de mots, j’ai rendu vivante la conférence. Le soir, sur le court chemin du retour, je me suis posé la question si je n’avais pas pris trop « d’espace » et puis je me suis dit, chacun.e partage ce qu’il a envie de partager et j’ai balayé cette idée de non-légitimité de mes réponses aux questions posées.
Pourquoi est-ce que j’ai écrit que je reçois des « signes » sur le deuil ? Il y a une semaine avant l’écriture de ce texte, j’ai écrit le texte « De ma Mort … » puis « De mon illusion … ». Le matin de cette écriture, j’entends à la radio une jeune dame qui a participé à un concours et, qu’ensuite, elle pouvait choisir une chanson. Elle a choisi « Des milliers de Je T’Aime » de Slimane. Avec cette chanson, elle envoyait des milliers de « Je T’Aime » à son enfant décédé, il y a 3 mois, d’une malformation cardiaque. Ce qui m’a étonné, ce n’est pas la chanson, c’est que cette personne était « pétillante ». Il y avait dans sa voix, comme une sorte de JOIE 4️⃣. Comme si le fait de rendre hommage à son enfant trop tôt « disparu » était une source de JOIE. Je la remercie pour l’émotion qu’elle m’a générée.
Dans la « notion » de deuil, il n’y a pas que la perte d’un être cher, aimé, tendre, vécue comme une incompréhension, un déchirement, une injustice. Et je ne me voile pas la face, il y a aussi, parfois, la perte d’un être détesté, violent, vécue comme une justice, un « retour de manivelle », un « bien fait pour lui ».
Au-delà du deuil d’un Être, il y a aussi le deuil d’un Amour, le deuil d’une relation, le deuil d’un travail, le deuil d’un projet, le deuil d’un objectif, le deuil de la santé, le deuil de l’espérance dans un enfant, le deuil d’un rêve, le deuil d’un objet, le deuil de sa vie d’avant, même le deuil du temps qui passe et bien d’autres. Quiconque qui a déjà vécu un deuil sait qu’il y a un élément important, c’est l’accompagnement. L’accompagnement ne signifie pas porter la charge émotionnelle liée à un deuil, « simplement » être présent. Passivement ou activement, peu importe, Être Présent.
J’ai déjà vécu toutes « sortes » de deuil. Je sais que l’ego a tendance à mettre une « échelle de valeurs » sur le deuil. Pour ma part, il n’en est rien. Ce qui peut paraître « léger » chez l’un.e, est « lourd » chez l’autre. Tout ceci est une question de perspectives en fonction de chaque vécu.
Et voici ce qui m’amène vers deux citations que j’ai lue sur la présentation. Ces citations n’ont pas été abordées par les animatrices et, en même temps, moi, elles me parlent. La première, j’en ai déjà souvent parlé, c’est la citation attribuée à Sénèque qui dit : « La vie, ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre à danser sous la pluie » 5️⃣. Je l’avais déjà introduite dans le premier texte que j’avais écrit, sur ce groupe, à partir de la citation de Carl Gustav Jung : « Ce n’est pas en regardant la lumière qu’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. Mais ce travail est souvent désagréable, donc impopulaire ».
La deuxième citation est de Marcel Proust : « On ne guérit d’une souffrance qu’à condition de l’éprouver 6️⃣ pleinement ». En fait, cette phrase est extraite de son roman « À la recherche du temps perdu » 7️⃣ et plus précisément du « Chapitre Premier : Le chagrin et l’oubli » dans « Albertine disparue ». Ici, c’est la perte d’un Amour.
Pour moi, la souffrance n’est pas un ennemi à abattre. C’est plutôt une maîtresse exigeante « réclamant » mon attention. Elle m’invite à plonger au plus profond de moi-même. Je ne guéris pas en la masquant, en la voilant voire en la fuyant mais en l’accueillant comme un messager. Chaque cicatrice qu’elle soit physique, émotionnelle, psychologique raconte une histoire.
Je sais que, dans le deuil d’un être, il y a des échos de l’absence, des échos du silence qui résonnent. Des parfums, des objets, des voyages, des rires, des pleurs, des joies, des peines qui amènent avec eux des souvenirs, des échos d’un passé à présent disparu. C’est un voyage douloureux à travers un paysage aride où seules les larmes empêchent la sécheresse.
Je sais que le deuil est un compagnon jugé indésirable de l’Existence. Surtout quand ceci arrive inopinément. Perdre une personne qui m’est chère, « faire le deuil » 8️⃣ d’une situation qui était, jadis, un refuge, c’est comme voir s’effriter les fondations de notre monde intérieur. C’est une plongée abrupte dans l’océan des émotions tumultueuses où les vagues du chagrin menacent de me submerger à chaque instant. Durant la conférence, j’ai entendu la souffrance, l’absence, l’injustice, l’incompréhension, la colère, le déni 9️⃣. Le deuil n’est pas une prison, c’est un « obstacle » pour certain.e.s, un gouffre, un abime pour d’autres et, en même temps, je sais que je peux trouver un chemin si pas pour le traverser, au moins le « contourner ». Le deuil se présente avec une inévitabilité implacable. En d’autres termes, chacun.e, à sa « manière », vivra des deuils dans sa Vie.
Dans ce contexte qui touche le Cœur, la guérison n’est pas une potion magique effaçant la douleur d’un coup de baguette. C’est un processus lent, « complexe », graduel où chaque larme versée, chaque éclat de nostalgie est une pierre ajoutée à l’édifice de ma reconstruction. Il est nécessaire d’oser affronter la douleur, la laisser s’infiltrer dans chaque fibre de mon être pour ensuite la laisser ressortir. Lors de la conférence, une des animatrices à proposer de créer un mantra pour ne pas, pour ne plus avoir peur. Le mien était : « La Peur me traverse sans m’affecter »*.
Je parle du deuil d’un être cher car c’est celui qui semble affecter le plus de personnes. Mais comme je l’ai écrit précédemment, il y a bien d’autres deuils que je nommerai « deuil d’une situation » voire d’un rêve avorté. Ce deuil est tout aussi poignant. C’est comme voir s’éteindre une étoile qui illuminait mon horizon. Je sais qu’il est nécessaire de faire face à la réalité brutale de l’impermanence. Que cette impermanence nécessite un « ajustement » de mes attentes. Que mes attentes soient sentimentales, relationnelles, professionnelles, sociétales, elles demandent toutes un « ajustement ».
Cet « ajustement », c’est une réinvention de soi-même, je dirai même une réincarnation de soi-même à travers la trame complexe des changements de l’Existence. Ce changement, c’est d’intégrer la perte dans le tissu de mon Être, en laissant les souvenirs et les émotions se transformer en résilience.
Ainsi, dans le deuil, je découvre que je ne peux guérir vraiment qu’en accordant à la souffrance l’espace nécessaire pour s’exprimer en tissant patiemment les fils d’une nouvelle réalité, en acceptant que le passé ne peut être modifié mais que l’avenir (à-venir) est une toile encore à peindre.
(Michaël « Shichea » RENARD (20240124-1))
(Art Numérique : Bing Creator suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Le Silence dans mes mots)
(Musique à la relecture de ce texte : K.A.B – 2023 – Pause – Reflect)
1️⃣ : le mot « deuil » vient du latin « dolium » signifiant « douleur », « chagrin ».
2️⃣ : voir le texte « Acouphène » ainsi que « Réponse de mon Frère Léon suite à la publication du texte ‘Acouphène’ ».
3️⃣ : voir les textes « Comment est ma peine ? », « Reste un peu », « Rêveries ».
4️⃣ : j’ai eu des frissons aussi bien à écouter cette jeune dame qu’à écrire ce passage.
5️⃣ : voir les textes « Point de rupture », « Le Silence est d’Or … et moi dedans », « (Dé)ConneXion – (Dé)Connecté ».
6️⃣ : « Éprouver », étymologiquement, c’est être « mis à l’épreuve » mais c’est également « vérifier », « constater ».
7️⃣ : voir le texte « À la recherche …. ».
8️⃣ : je n’apprécie pas cette expression même si elle est souvent utilisée. Je ne fais pas mon deuil, comme je fais mon lit. Chaque deuil est unique. Même si je sais que cette expression signifie « se résigner à en être privé de quelqu’un ou de quelque chose », « renoncer à quelqu’un, à quelque chose », « accepter la disparition de quelqu’un, de quelque chose », je n’en ai pas d’autres sauf peut-être « Dire Adieu » (Dire à Dieu).
9️⃣ : Suivant certaines sources, il y 7 étapes dans le deuil : le choc, Le déni, la colère, la dépression/ la tristesse, la résignation, l’acceptation, la reconstruction.
* : Dans le roman « Dune » il est dit : « Je ne connais pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi ».

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