De mon Ambiguïté …

(sous-titre : Premier Jour du Reste de ma Vie)

Le mot « Ambiguïté » provient du latin « Ambiguus », lui-même tiré de « Ambigere » composé de « Amb » signifiant « Autour » et de « Igere » pour « Agere » signifiant « Pousser ». Ainsi, « Ambigu » signifie « Qui pousse de deux côtés ». En d’autres termes, en reprenant la définition d’un dictionnaire, l’ambiguïté est le caractère de ce qui est susceptible de recevoir plusieurs interprétations.

Jusqu’ici tout va bien. Mais alors, pourquoi ce sous-titre de « Premier Jour du Reste de ma Vie » ? Et c’est ici que se révèle mon ambiguïté.

Le « Premier Jour du Reste de ma Vie » est un film de 2008. Le synopsis est le suivant : « Marie-Jeanne, maman poule, et Robert, père effacé, ont trois enfants : Albert, jeune homme brillant mais colérique, Raphaël, doux rêveur mélomane, et Fleur, la petite rebelle. Le portrait de leur famille s’esquisse sur une douzaine d’années, à travers cinq journées particulières. Cinq jours décisifs dans la vie d’une famille de cinq personnes, cinq jours plus importants que d’autres où plus rien ne sera jamais comme avant ».

Mais le « Premier Jour du Reste de ma Vie » est aussi un roman de Virginie Grimaldi publié en 2015. Le quatrième de couverture indique que : « Marie a tout préparé pour l’anniversaire de son mari  : décoration de l’appartement, gâteaux, invités… Tout, y compris une surprise : à quarante ans, elle a décidé de le quitter. Marie a pris «un aller simple pour ailleurs». Pour elle, c’est maintenant que tout commence. Vivre, enfin. Elle a donc réservé un billet sur un bateau de croisière pour faire le tour du monde. À bord, Marie rencontre deux femmes qui, elles aussi, sont à la croisée des chemins. Au fil de leurs aventures, parfois loufoques, elles pleurent et rient ensemble, à la reconquête du bonheur. Leurs vies à toutes les trois vont être transformées par ce voyage au bout du monde ».

Même titre, mais deux histoires très différentes. Rien de bien « transcendant » jusqu’ici. Dans le roman, c’est une évidence, que l’héroïne puisse déclarer que c’est le premier jour du reste de sa vie car elle revit. Dit d’une autre façon, elle renaît à elle-même. Dans le film, c’est différent. C’est la jeune fille « Fleur » qui écrit dans son journal intime que c’est la perte de sa virginité qui est le premier reste du reste de sa vie.

D’un côté, une femme se libère, de l’autre une jeune fille passe de l’insouciance de l’enfance au monde d’être une femme. Cependant, l’une comme l’autre va vivre, quelque part, une nouvelle vie, de nouveaux « challenges », de nouvelles expériences, de nouvelles circonstances de vie.

Voici pour l’introduction de ce texte. Ma question est : « Existe-t-il une ambiguïté spirituelle ? Si oui, y suis-je confronté ? ». Mais avant d’aller plus loin, je vais expliciter ce qui m’amène à parler de cette possible ambiguïté spirituelle. Dans le film décrit ci-avant, un des personnages parle de Evariste Galois. Ce mathématicien français est mort à l’âge de 20 ans suite à une péritonite causée par une balle reçue à l’abdomen lors d’un combat en duel en 1832. Sa vie fut donc brève. Cependant, même s’il n’a pas pu « profiter » du reste des jours de sa vie, il a laissé la veille de son mort, une lettre testamentaire. Sans rentrer dans les mathématiques, il a créé une œuvre scientifique appelée « Théorie de l’Ambiguïté ». Cette œuvre parle de symétrie.

Pour mieux illustrer mon propos, je vais reprendre, à ma façon, ce que Jean-Pierre Ramis (mathématicien français) a vulgarisé. Dans la « Théorie de l’Ambiguïté », il s’agit de symétries dans un sens assez subtil. Pour l’expérience, je prends un carré de papier blanc dont les sommets sont alternativement colorés de rouge et de vert. Le choix de ces couleurs n’est pas anodin. Je montre ce carré à une personne. Je demande qu’elle ferme les yeux et je tourne le carré d’un demi-tour. Lorsque je le dis de rouvrir les yeux, elle ne voit aucune différence. Qui plus est, la personne ne sait pas indiquer dans quel sens j’ai tourné le carré. Je l’ai peut-être tourné de 180° vers la droite, vers la gauche ou retourner le carré. En refaisant l’expérience et ne tournant que d’un quart de tour, la personne voit maintenant une différence. En effet, le rouge a pris la « place » du vert. Mais, comme dans l’expérience du demi-tour, elle ne sait toujours pas dans quel sens j’ai tourné le carré. Il y a donc une ambiguïté associée aux transformations indécelables pour la personne que je nommerai « observateur ». Il lui est impossible de déterminer le nombre de transformations, le nombre de changement que j’ai effectué avant qu’il ne rouvre les yeux.

J’imagine un instant que l’observateur soit daltonien souffrant de protanopie. Pour lui, le rouge et le vert se confondent, il n’y a pas de différences. Dans l’expérience du carré, il lui est impossible de déterminer si un demi-tour ou un quart de tour a été réalisé. C’est encore plus ambigu pour lui car il pourrait croire que rien n’a été changé.

Maintenant, si je remplace le carré par une sphère de couleur blanche uniforme. Je demande à l’observateur de fermer les yeux et je fais tourner la sphère sur elle-même peu importe les rotations. Il est impossible à l’observateur de déterminer ce que j’ai « fait » comme transformation. Même si pour lui, il semble qu’il n’y ait aucune transformation, moi, je sais que j’en ai fait soit une, soit plusieurs voire même aucune. Par contre, si je marque et colore un point particulier de la sphère, l’ambiguïté diminue car j’ai un point de référence. Elle diminue mais ne disparaît pas parce que, tout simplement, l’observateur ne sait pas quels sont les mouvements que j’ai réalisés dans la rotation. J’ai, peut-être, fait une seule rotation, plusieurs rotations si le point a changé « de place » et, de nouveau, voire même aucune si le point est resté à la même position.

Ainsi, à partir de deux expériences simples en apparence, un modèle abstrait est généré. Deux personnes X et Y, X me représentant et Y étant l’observateur, observent et « manipulent » un même « monde » (réduit ici au carré ou à la sphère) avec des « niveaux » inégaux de connaissance de ce monde. En effet, si je sais quelles sont les transformations que j’ai faites, l’observateur ne peut de son côté vérifier, dans le cadre du carré, si les couleurs sont restées « en place » ou non. Il s’agit donc d’une manipulation de l’un (Moi) qui sont invisibles pour l’autre (L’Observateur). Il y a donc « ambiguïté ».

Et c’est ici que se révèle toute mon « ambiguïté spirituelle ». Je suis, en même temps, l’expérimentateur et le sujet de l’expérience. Je crée mon monde et j’observe mon monde. Je suis le Créateur et je suis le Créé. Dit d’une autre façon, il m’est impossible d’intellectualiser le fait que je sois l’un ou l’autre, que je sois l’un et l’autre. Il ne peut y avoir de distinctions claires et précises car je ne sais pas, à tout instant, si je suis en « mode créateur » ou en « mode créé ».

Je peux fermer les yeux et créer une autre représentation du monde. En rouvrant les yeux, j’ai l’impression que le monde est le même alors qu’il n’est plus le même car ma représentation du monde a changé. Elle a changé, ne fut-ce qu’entre deux battements de cœur, qu’entre deux respirations, qu’entre deux instants. Le monde a changé, ne fut-ce qu’une feuille sur un arbre, qu’une herbe qui a poussé, et, pourtant, j’ai l’impression qu’il est le même. En même temps, cette autre représentation du monde, est-ce moi qui la crée ou est-ce elle qui me crée ? Je devrais plutôt écrire, cette autre représentation du monde, est-ce moi qui « l’influence » ou est-ce elle qui « m’influence » ?

Quand Pierre-Teilhard de Chardin écrit : « Nous ne sommes pas des êtres humains vivant une expérience spirituelle, nous sommes des êtres spirituels vivant une expérience humaine », je pourrais tout aussi écrire : « Nous ne sommes pas des êtres spirituels vivant une expérience humaine, nous sommes des êtres humains vivant une expérience spirituelle ».

J’entends la question : « Mais Michaël ! Tu as toujours été d’accord avec la citation de Pierre-Teilhard de Chardin ». Effectivement, je suis en accord et je suis toujours en accord. Cependant, tout dépend si je suis en « mode créateur » ou en « mode créé ». Si je suis en « mode créateur », je vais dire que je suis un être spirituel vivant une expérience humaine. Si je suis en « mode créé », je vais dire que je suis un être humain vivant une expérience spirituelle. De là naît l’ambiguïté car tout dépend dans quel « mode », je suis.

Tout ceci m’amène dans mon ambiguïté spirituelle entre ma FOI et mes doutes. C’est un voile subtil, ou plutôt un dédale où se perdent mes certitudes pour mieux me révéler à l’inconnu, l’Un-Connu, la Connaissance de l’UN. Dans mon labyrinthe intérieur, la révélation de la dualité est comme l’étoile polaire me guidant dans les expériences de mon propre Être.

Mon ambiguïté spirituelle naît, pour reprendre l’image d’une peinture, du clair-obscur de ma FOI. Mes convictions d’aujourd’hui se mêlent aux questionnements d’hier et chaque réponse me semble être le reflet d’une vérité éphémère. C’est un peu comme une cartographie céleste en perpétuelle métamorphose. En fait, elle est comme un miroir magique reflétant les paradoxes de mon existence.

D’un côté, il y a un « doute créatif », une force qui me pousse à explorer au-delà des frontières établies d’où la publication de mes écrits. De l’autre, il y a le mystère de ma FOI. Un mystère qui n’est pas une énigme à résoudre mais plutôt un poème à déchiffrer, ou plutôt à découvrir, un peu comme des éclats de Lumière filtrant à travers les interstices du Divin.

Dans mon voyage intérieur, mon ambiguïté spirituelle devient un pont entre le Sacré (le Créateur) et le profane (le Créé) reliant ainsi ma Divinité à mon Humanité. Elle réside dans la tension, dans l’attention entre le visible et l’invisible, là où le tangible se fond dans l’insaisissable, là où l’attendu se mêle avec l’inattendu.  Je suis comme une plume portée par le vent de la transcendance. Je suis transporté sans savoir où je vais. Elle me rappelle que mon chemin n’est pas un chemin linéaire 1️⃣ .

Ainsi, j’embrasse mon ambiguïté spirituelle comme la compagne insaisissable de mon parcours intérieur. Elle est la toile sur laquelle se dessine le tableau de ma Spiritualité, une œuvre d’art en constante évolution, tissée de paradoxes, de mystères et de Lumière. Je suis un peintre qui se peint et, dans ma peinture, je ne sais pas si c’est moi qui me peins ou si c’est ma peinture qui me peint. Je suis un Être qui se révèle et, dans cette révélation, je ne sais pas si c’est moi qui me révèle ou si c’est ma révélation qui me révèle. Ici est mon ambiguïté spirituelle.

(Michaël « Shichea » RENARD (20240103-1))
(Art Numérique : Bing Creator suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture :Good NightOwl – 2023 – Belief)

1️⃣ : voir le texte « La Non-Linéarité de l’Existence »

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