Un curé très branché
J’avais commencé à écrire un texte suite à une note que j’avais rédigée et celui-ci a pris sa « place ». Cette note disait : « Le présent est un leurre. C’est comme un film, il donne l’impression d’être continu, sans coupure, sans faille, alors qu’il n’est qu’une succession d’images fixes, figées et cette succession donne l’impression d’un présent continu. C’est comme entre un inspire et un expire, il y a un monde intérieur qui ne chercher qu’à se révéler ».
Entretemps, c’était le temps de midi et je regardais l’émission « ICI 12/13 – Edition Toute Région » sur France 3. Au-delà de revoir des images du Mont-Saint-Michel, il y avait un reportage sur « Un curé très branché ». Et le moins que je puisse dire, c’est qu’au point de vue branchement (je sais, le jeu de mots est facile), j’ai bien été surpris, que dis-je, j’étais dans l’inattendu que j’aime tant. En fait, c’est un prêtre. « Dis donc, Jamy, c’est quoi la différence entre un Prêtre et un Curé ? ». Excellente question !
En fait, le prêtre et le curé sont au même niveau hiérarchique et si je peux me permettre il n’y en a pas un qui est au-dessus de l’autre. Ce qui est intéressant c’est que tous les prêtres ne sont pas forcément des curés alors que tous les curés sont des prêtres. En fait, il y a d’autres termes qui sont utilisés pour des prêtres au service du curé : « vicaire », « auxiliaire », « associé ».
Le mot « curé » vient du latin « curatus » qui signifie « prendre soin ». Je peux dire que, quelque part, je suis un curé qui s’ignore. Un curé, c’est un prêtre qui est à la tête d’une paroisse et qui est soumis à l’évêque du diocèse. Il a donc une fonction. Le prêtre a le pouvoir de dire la messe et d’administrer les sacrements. Il est clairement aussi au service des autres. Et pour « corser le tout », il existe des prêtres séculiers et des prêtres réguliers. Les séculiers sont des prêtres n’appartenant à aucun ordre ou institution religieuse.
Ils sont dits « diocésains » quand ils travaillent pour un diocèse. Un prêtre régulier appartient à un ordre et soumis à une règle. Il est dit « religieux » quand il appartient à un ordre religieux. Encore un plus loin. Quand un prêtre a une charge particulière autre qu’une paroisse, c’est un aumônier. Par exemple, un aumônier militaire accompagne certains corps de l’armée. Pour un aumônier de prison, ce sont les détenus. Un aumônier d’hôpital est auprès des malades tandis qu’un aumônier des scouts est avec les jeunes. J’estime avoir apporté un peu plus de clarté.
Bertrand Monnier est non seulement un prêtre geek mais également métalleux (fan de la musique « métal »). Il est responsable de 28 clochers dans la Meuse. Il est curé à Verdun depuis 2017. Dans le reportage, il était vêtu d’un tee-shirt de métal et un col romain (le petit col blanc détachable reconnaissable pour les hommes d’église). Son tee-shirt est de couleur noire et il était inscrit la mention : « PowerWolf ». « PowerWolf » est un groupe de « power metal » allemand. Bon, ce n’est pas le genre de musique que j’écoute habituellement et j’ai donc écouté leur morceau « Army of the Night » (tiens, je viens d’entendre « Halleluja » dans la chanson ainsi que « Mater Maria »).
Et bien le moins que je puisse dire, c’est que le texte parle de … « religion » mais d’un côté obscur. La chanson commence ainsi : « Lève-toi toute la nuit et appelle le combat – Laisse ton esprit s’envoler avant la lumière – Nous voici, l’armée de la nuit – Mater Maria » puis, un peu plus loin, « Les ennemis tombent lorsque le sermon est prononcé – Pris par une main plus élevée, amen – Sacre les martyrs lorsque la Bible est brisée – Invoque le testament, amen » et une dernière « Alignés côte à côte et liés par la prière – Envoyés pour mourir et combattre le jour final – Armée de la nuit, nous sommes venus pour rester – Mater Maria ».
Je ne sais pas si le curé, qui a commencé à écouter du heavy metal au collège, a compris ou a fait traduire les paroles de la chanson. Oh, je sais, que c’est une chanson parmi d’autres. En même temps, le fait que je « tombe dessus » n’est pas, comment dire, anodin, inintéressant. Qui plus, ce curé joue aux jeux vidéo régulièrement et il a même publié un livre intitulé « Les dix commandements des jeux vidéo » aux éditions Salvator.
Salvator est un éditeur spécialisé dans les ouvrages religieux et spirituels. J’ai comme l’impression qu’il y a quelques personnes qui se retourneraient dans leur tombe. Cette expression avec cette image forte de la tombe signifie que la situation est tellement choquante qu’un mort y réagirait à sa manière (à propos de mort, voir le texte « De la peur et de l’Amour »). En d’autres termes, L’âme du mort, restée sur terre, veillerait ainsi sur les vivants et réagirait à leurs actions.
J’ai lu qu’il était conscient qu’il ne correspond pas vraiment à l’image traditionnelle d’un prêtre, et il assume :« Ici, tout le monde connaît mes passions. La Meuse est un diocèse rural où presque tout le monde se connaît. Je suis né à Bar-le-Duc et j’ai grandi ici ». Son « look » ne passe pas inaperçu lors de conventions de jeux vidéo. Il s’amuse en disant que « Ceux qui ne me connaissent pas pensent que je suis en Cosplay » (le cosplay, c’est imiter un personnage de fiction, généralement de jeux vidéo ou de héros). Il précise que « mon col romain n’est pas l’élément d’un déguisement. Je m’habille vraiment comme cela tous les jours. Je reçois des commentaires négatifs… mais aussi positifs ! » (probablement, chez les plus jeunes, attention jugement, donc pas les grenouilles de bénitier).
« Dis donc, Jamy, c’est quoi une grenouille de bénitier ? Est-ce de l’ordre des batraciens ? ». « Mais non, voyons, Fred, ceci n’a rien à voir avec les batraciens, c’est une image ». Le terme de « grenouilles de bénitier » vient du rapprochement entre la grenouille, vivant toujours près d’un point d’eau (Coucou Léon), et des personnes assidues, voire très assidues, aux messes et cérémonies religieuses trempant, à chaque fois, le bout des doigts dans l’eau bénite avant de faire le signe de croix. En faisant preuve d’une dévotion excessive, ces personnes sont surnommées des « grenouilles de bénitier ».
J’aime bien ce curé, il me fait penser au prêtre-ouvrier (maintenant retraité) dans notre paroisse. Comme dans la vie, il appelle dans son ouvrage à plus d’ouverture d’esprit et à moins de critiques. « C’est l’ignorance qui amène ces comportements » (voir les textes « L’impermanence de l’ignorance » et « La caverne de l’ignorance »). Il incite donc les parents, les grands-parents et les éducateurs à s’intéresser aux jeux vidéo pour lesquels les jeunes se passionnent. « Certains, qui n’y connaissent rien, se placent comme juges. Ils savent quels jeux sont bons ou pas. Ce ne sont que des stéréotypes », déplore-t-il, pointant du doigt un conflit générationnel.
Et surprise sur le gâteau, il a consacré son mémoire, en master en théologie à la faculté de Metz, sur l’écrivain J.R.R. Tolkien (auteur de la saga « Le Seigneur des Anneaux », même si j’ai une petite préférence pour « Le Simarillion »).
Pour certains, Bertrand Monnier est un original, voire un marginal. Pour l’évêque de Verdun, en revanche, ses passions peuvent constituer un atout : « Les prêtres doivent être des pasteurs. Pasteur avec les geeks et les métalleux, ça lui va bien ». Tant que je suis avec le gâteau, la cerise est : « Ce n’est pas à l’Église de statuer sur la culture populaire, elle n’y connaît rien ». En voici un, qui connaît son sujet. J’ai connu des curés, comment dire mais si c’était dans l’air du temps, rétrograde. Rétrograde, dans le sens, où ils étaient en déphasage avec la jeunesse.
Ce curé me fait penser au prêtre Guy Gilbert, qui, le moins que je puisse dire, est qu’il n’avait pas non plus sa langue dans sa poche. Un prêtre des loubards, il y en a quelqu’un.e.s qui se sont aussi retourné.e.s dans leur tombe.
Pourquoi ce « personnage » me parle-t-il ? Simplement parce qu’il sort des « sentiers battus », qu’il ose naviguer dans une sorte de « contre-courant », de bien-pensance religieuse. Beaucoup de religieux, peu importe leur religion, restent enfermer dans leur « dogme ». Heureusement, qu’il y a quelques brebis qui sortent du troupeau pour apporter un autre message, une autre vision, un autre partage. Il parle même d’écrire un livre sur les tatouages. Même s’il précise qu’il n’en a pas, c’est un sujet qu’il évoque au sein de la pastorale de jeunes car, comme il précise, « 80 % d’entre eux en ont ».
Pour fermer la « boucle », je reprends dans la citation introduisant ce texte : « il y a un monde intérieur qui ne cherche qu’à se révéler ». Le curé Bertrand Monnier a révélé son monde intérieur. Ainsi comme le disait une ancienne connaissance : « Ose ! Ose ! »
(Michaël « Shichea » RENARD (20231129-3))
(Art Numérique : Bing Creator suivant mes directives)
(Musique lors de l’écriture : Tempus Sidereum – 2023 – Tempus Sidereum I)

Laisser un commentaire